«Il aura donc fallu qu'un sommet soit organisé pour qu'on daigne, et avec une célérité frappante, retaper à neuf la capitale», remarque un Algérois. Le temps d'un congrès, Alger a retrouvé sa blancheur et a renoué avec des couleurs festives qui font d'elle une capitale en fête. Rien n'a été, semble-t-il, laissé au hasard et les pouvoirs publics n'ont pas lésiné sur les moyens pour parer à toute déconvenue qui mettrait à mal le déroulement de cet événement sur lequel Alger a misé très gros pour en récolter le maximum de dividendes. Les principales routes de la capitale ont été bitumées, les façades repeintes, les espaces verts, autrefois en friche furent, en quelques jours, réaménagés, la circulation automobile strictement réglementée... Bref, mais du côté de la population, l'ambiance n'est pas pour autant à la fête. Et les quelques Algérois que nous avons invités à exprimer leurs sentiments à propos du rendez-vous arabe, sont bien là pour rappeler à qui veut l'entendre cette animosité. Car depuis l'annonce de l'organisation du Sommet arabe et les «vastes» chantiers que les pouvoirs publics ont engagés pour l'embellissement de la capitale, ces derniers, semblent vivre ce regain de remue-ménage avec une franche indifférence pour ne pas dire au fait avec amertume. «Il aura donc fallu qu'un événement soit organisé pour qu'on daigne et avec une célérité frappante engager de tels travaux», fait remarquer un passant au square Port-Saïd. C'est là un avis que partagent nombre de jeunes badauds que nous avons rencontrés autour de certains sites en chantier. Tous ont émis le voeu de voir les pouvoirs publics s'intéresser de façon plus régulière à l'image mais aussi à l'hygiène de la vieille ville, en proie depuis des années à une dégradation incessante. Il est vrai, reconnaît Issam L., 31 ans, que le Sommet arabe revêt une importance telle qu'il faudrait par conséquent mettre les bouchées doubles pour accueillir les hôtes de l'Algérie dans les meilleures conditions possibles, «et que la soudaine importance que les autorités affichent pour la capitale s'affirme plus régulièrement et que les préparatifs ne bousculent pas le quotidien des citoyens, comme c'est le cas pour la circulation automobile», a-t-il suggéré. Il n'est pas sans rappeler, à ce titre, que le dispositif sécuritaire mis en place depuis quelques jours, bien qu'indispensable pour la sécurité de l'événement, a été aux yeux des automobilistes un véritable casse-tête en raison notamment des embouteillages qui paralysent la circulation dans la quasi-totalité des artères de la ville. Certains ne voient pas, par exemple, l'utilité de la fameuse ligne verte longeant l'itinéraire des délégations officielles. D'autant plus qu'il existe déjà une voie réservée aux secours. A la rue Larbi Ben M'hidi en plein centre d'Alger, comme à la rue Didouche Mourad et à la Place des Martyrs, l'on s'évertue, sans relâche, à repeindre les bâtisses. Quelques jeunes s'occupent à refaire les trottoirs. D'autres ouvriers s'attellent à - et c'est devenu par la force du temps et la bêtise humaine une spécialité nationale - poser un nouveau dallage... «Tant qu'il y a l'argent, pourquoi s'en priver dès lors», remarque sur un ton frôlant l'ironie notre interlocuteur pour qui le plus frappant dans cette «grande lessive urbaine» est la manière désinvolte avec laquelle les travaux sont entrepris. «C'est du replâtrage. On fait n'importe comment. Ils ne respectent même pas l'originalité de la ville». Si le souci, ajoute ce dernier, est de présenter aux participants du sommet, une belle et authentique image de la capitale, ce n'est certainement pas en bafouant les couleurs et l'identité traditionnelle de l'antique ville. A défaut, «C'est une image plutôt factice qu'on s'apprête à donner à nos convives», dit-il désolé. Alger s'est faite donc blanche pour accueillir dans les meilleures conditions possibles ses invités de marque, mais le souhait de tous est que cette blancheur puisse perdurer dans le temps et non en fonction des événements.