Quand bien même le président français viendrait “les mains vides”, les Algérois, récolteront tout de même “un avantage collatéral : leur cité a fait peau neuve !” Alger est blanche. Ou plutôt, a retrouvé sa blancheur du bon vieux temps. La prestigieuse avenue de l'ALN que les automobilistes parcouraient à toute allure — parce que le regard croise de mauvais décors — est relookée. Elle est à présent accueillante. Même les misérables prostituées, qui y monnayaient, il y a une semaine encore, leur corps pour de l'argent, en ont été chassées… On doit cacher cette image hideuse d'Alger la Blanche à notre illustre invité. Pour Chirac, on a planté, à la hâte, toute sorte de fleurs et d'arbustes pour lui souhaiter la bienvenue. On les a même fait pousser prématurément… C'est aussi cela le miracle algérien ! De mémoire d'Algérois, on n'a sans doute jamais vu un tel affairement, une telle fièvre et une aussi rapide course contre la montre, pour badigeonner les murs décrépits et ravaler les façades honteuses de notre chère capitale. Ironie de l'histoire, les citoyens découvrent, presque stupéfaits, que les agents des ponts et chaussées, de l'éclairage public, de la voirie, mais aussi de l'hydraulique, ne sont pas aussi fainéants qu'ils le pensaient…On casse, on répare, on embellit et on peint en un temps record ! Mobilisation générale pour proposer à Chirac un Alger flambant neuf, autre que celui de Bab El-Oued, Belcourt ou du Télemly. Rien n'a été laissé au hasard. Les travailleurs de Net-com se souviendront longtemps de tant de besogne abattue en une semaine. Et oui, cette visite du président français ne fera pas que des contents. Ces ouvriers, qui chôment pratiquement à longueur d'année, ont beaucoup travaillé. Trop même. En face, les habitants de la capitale sont aux anges. L'image “d'une” Alger aussi blanche n'était — il y a seulement quelques jours — qu'une vague réminiscence d'un passé lointain. Par la force de la gabegie et de la négligence, on s'est résous à cohabiter avec les détritus. A marcher sur des trottoirs défoncés. A subir l'agressivité de ces graffiti malveillants ou blessants. Et à supporter un effroyable “désert végétal”, puisque à la place du gazon, on a planté du… béton. Mais, aujourd'hui, le président français ne verra pas ce décor. Il ne sentira pas non plus les effluves nauséabonds de notre cité ni ne subira les excavations et les nids-de-poule des artères algéroises. Chirac sera accueilli avec les fleurs et les youyous comme aucun autre homme politique étranger ne l'a été. Le bitume accidenté a laissé place à un asphalte encore fumant. Alger va, à coup sûr, lui faire la fête. Les Algérois aussi. Même s'il n'apporte rien dans ses valises, il nous aura laissé une cité enfin habitable. C'est déjà quelque chose dans un pays, où tout, absolument tout, se conjugue au passé. Merci Monsieur Chirac ! H. M.