La réunion de Vienne n'aboutira pas à grand-chose mais, à long terme, les prix du pétrole vont se stabiliser grâce à la tendance haussière exponentielle du marché pétrolier. «L'Opep a perdu son pouvoir de régulation du marché pétrolier mondial» a déclaré, d'entrée de jeu, Mourad Preure, expert en questions pétrolières, lors d'une conférence qu'il a donnée hier au Forum du quotidien arabophone Echaâb. «L'Opep est, depuis sa création, devant un dilemme: augmenter les prix et donner ainsi l'occasion à ses concurrents de grignoter sur ses parts de marché, ou augmenter ses parts de marché en réduisant les prix. Ce dilemme est plus que jamais d'actualité, surtout dans cette conjoncture de crises que vit le secteur des hydrocarbures», a-t-il ajouté en précisant néanmoins que la crise du secteur énergétique mondial est conjoncturelle et que les prix des hydrocarbures se rétabliront certainement à long terme puisque la tendance haussière est exponentielle. Néanmoins, contrairement à ce qui peut être pensé, Mourad Preure n'attend pas le salut de la réunion de Vienne. Celle-ci constitue un rendez-vous ordinaire pour lui. En effet, selon lui, le rétablissement des prix à court terme est peu probable et la réunion de Vienne n'aboutira pas à grand-chose si ce n'est à stabiliser les prix du pétrole autour de 50 dollars/baril. «A court terme, il ne faut pas qu'on s'attende à grand-chose. Les prix vont au mieux se stabiliser autour de 50 dollars. Toutefois, la tendance haussière étant exponentielle, les prix du pétrole sont condamnés à remonter à long terme parce que, contrairement à ce qui se dit, le pétrole a toujours un avenir car il représente 55% de la consommation énergétique mondiale alors que les énergies renouvelables n'en représentent que 13% et le nucléaire à peine 5%», a-t-il expliqué. Toutefois, compte tenu de la complexité du marché et de sa fébrilité, M.Preure n'a pas donné d'échéance précise et s'est simplement contenté de parler de «long terme» et de «court terme». De ce fait, il est difficile de prévoir quelle serait l'issue de la crise actuelle qui secoue le secteur des hydrocarbures qui représentent une ressource stratégique, voire vitale, pour pratiquement tous les pays de l'Opep, et ils le sont davantage quant à la rencontre qui se tient à Vienne aujourd'hui. C'est ce qu'a affirmé, à travers ses analyses, Mourad Preure qui parle d'un «nouveau paradigme» dans le secteur énergétique. «Le marché pétrolier mondial traverse actuellement une crise qui est due à plusieurs facteurs. Il y a, dans un premier temps, la baisse de la demande. Dans un deuxième temps, il y a le développement des hydrocarbures de schiste aux Etats-Unis qui comptent plus de 1500 puits. Il y a, dans un troisième temps, la surproduction des pays membres de l'Opec. En effet, les pays membres de cette organisation n'ont jamais cessé d'augmenter leur production, y compris après l'accord d'Alger. L'Arabie saoudite a un surplus de production de 500.000 barils/jour. On peut citer également le fait que l'ensemble des pays hors Opec, à l'exception de la Russie, ne portent aucun intérêt à ce que fait l'Opep. De plus, il y a le retour de la Libye, de l'Iran et du Nigeria sur le marché ainsi que les rivalités Iran-Arabie saoudite» a-t-il indiqué en précisant que d'autres facteurs, moins importants certes, impactent négativement le marché pétrolier en citant notamment «le désaccord entre les pays de l'Opep sur plusieurs statistiques». Cette situation se veut néanmoins une conséquence de la transition économique en cours en Chine ainsi que de la situation fébrile de l'économie américaine. «L'économie mondiale est en crise. Celle-ci est due à plusieurs facteurs, notamment le ralentissement conjoncturel de l'économie chinoise et le surendettement de l'économie américaine qui vit dans une espèce de bulle. De ce fait, un risque systémique menace l'économie mondiale. Les marchés financiers sont tous interconnectés. Il y a un vrai risque de guerre des monnaies où les Etats se mettraient à dévaluer leurs monnaies respectives pour parer aux effets néfastes de ces déséquilibres», a-t-il dit. Par ailleurs, mettant sa casquette d'observateur citoyen, M.Preure a appelé à mettre fin le plus vite possible à notre dépendance de la rente pétrolière, quels qu'en soient les prix, et à recentrer nos politiques économiques sur les industries du savoir et de l'entreprise.