600 millions de dollars est le pactole que se « partagent » les importateurs de médicaments. Au milieu d'une «brochette» de privés, un organisme public, la PCH (Pharmacie centrale des hôpitaux, née des centres des anciens Pharms), est chargé de pourvoir aux besoins des hôpitaux en médicaments et consommables. Malgré des dispositions (état des besoins annuel préétabli) qui devraient garantir une distribution normalisée, les hôpitaux, chacun le sait, souffrent de ruptures de stocks de médicaments suffisamment prolongées pour se transformer en pénuries dramatiques. Des médicaments de première nécessité manquent cruellement pour les malades du cancer, le fil chirurgical et d'autres consommables aussi. En revanche, dans les officines privées, le malade trouve en général ce qu'il cherche même si, quelquefois, c'est à des prix astronomiques. D'ailleurs, tout le monde constate la lente et inexorable décrépitude qui touche nos structures hospitalières. A l'hygiène indigne des lieux qui n'a d'égale que le «parasitisme» du paramédical et les équipements trop souvent en panne, il ne reste pas grand-chose pour rappeler que l'on se trouve dans un hôpital, hormis la présence d'un corps médical encore performant. Si l'aspect hôtelier réduit à sa plus simple expression peut paraître secondaire, trop souvent même l'assistance du malade hospitalisé est remise en cause. Les familles qui le peuvent, suppléent en prenant en charge, outre la literie, la nourriture ou le médicament, carrément la garde du malade. Loin, très loin de cette course kafkaïenne que vit le malade admis dans un hôpital ainsi que tout son entourage, des responsables réfléchissent, décident et, au passage, trichent. Pour les médicaments, la PCH, cette entreprise publique à gros budget, n'a de tâche que de veiller à la disponibilité du médicament dans les hôpitaux. Une tâche qu'elle ne parvient pas à assumer. A telle enseigne, et face à l'ampleur du mal, que le ministère de tutelle est contraint de prendre des décisions pour autoriser les hôpitaux à s'approvisionner directement auprès des importateurs privés. Ce qui arrange les affaires de ces derniers. Se pose une première question. Comment et par quel mauvais sort, un importateur privé peut-il disposer d'un médicament dans ses stocks et pas la PCH? A moyens identiques, résultats différents. Pourquoi? Tout laisse à penser que l'acte est délibéré. Comme l'est celui, tout récent que nous avons découvert au cours de cette enquête : importer, au milieu de tout ce fatras, un médicament de confort tel l'anesthésique dentaire en «oubliant» toutes les autres urgences à avoir des médicaments stratégiques qui manquent. A quoi joue la PCH? Pour essayer de le savoir, nous avons fourré notre nez dans cette affaire. Qu'avons-nous découvert? D'abord que le DG par intérim de la PCH se trouve être en même temps directeur de la pharmacie au ministère. Une double casquette délictuelle quand on sait que cette direction de la tutelle régule toutes les importations des médicaments du pays. C'est à elle que parviennent les besoins annuels exprimés par les opérateurs (hôpitaux et importateurs). C'est elle qui délivre l'accord sans lequel aucune importation, privée ou publique, n'est possible. C'est encore elle qui vise les factures y afférentes de tous les importateurs. Contacté, le ministère nous oppose l'argument que le directeur central de la pharmacie n'est à la tête de la PCH qu'à titre «intérimaire». Un intérim qui dure maintenant depuis des mois. A croire que l'Algérie est en panne de responsables au point de recourir à l'illégal. Car ce qui se passe à la direction centrale de la pharmacie du ministère ne doit pas être livré à un importateur fût-il public comme la PCH. Ce qui devait arriver, arriva. Le délit d'initié qui guettait une telle situation est bel et bien consommé dans son aspect le plus pervers. De quoi s'agit-il? Très rapidement de l'importation par la PCH d'anesthésiques dentaires avec l'accord de la direction centrale de la pharmacie au ministère. Hadj Moussa qui autorise Moussa Hadj. Le plus grave, c'est que Hadj Moussa connaissait le prix unitaire consenti par les fournisseurs aux importateurs algériens. Contre toute attente, la PCH va le payer plus cher. Pour le même produit, chez le même fournisseur, le privé achète en Italie, l'anesthésique dentaire à 11.000 lires italiennes la boîte et en France à 45 FF alors que le double DG (qui le sait) le paie respectivement 12.000 lires italiennes et 47 FF. A près de 70.000 boîtes pour cette commande seulement, faites le compte. Une plus-value que la raison ne peut expliquer. Le seul «justificatif» avancé par le ministère à notre question est que la PCH aurait «obtenu le paiement différé sur une année. Une facilité contre des prix majorés». Faux, archifaux. L'argent a déjà été transféré via une banque privée avant même la livraison. L'utilisation d'une banque privée par un organisme public n'est pas non plus sans attirer l'attention. Le comble du comble c'est que ce produit est disponible dans les stocks du privé. Le DG de la PCH, directeur central au ministère, le savait. Pourquoi alors avoir procédé encore à un transfert de devises. Le Trésor public saigné avec une telle légèreté, le fait est établi. Pourquoi la plus-value et où va-t-elle? Le journaliste s'arrête là. La suite est du ressort de la justice.