La Russie et les Etats-Unis - représentés par leurs chefs de la diplomatie Lavrov et Kerry - continuent leur dialogue de sourds sur la Syrie Les forces armées syriennes sont proches de faire tomber un important quartier rebelle d'Alep, alors que Russes et Américains s'accusent mutuellement de bloquer toute tentative pour mettre fin aux combats meurtriers. Trois semaines après le début de leur vaste offensive pour reconquérir la totalité d'Alep, les forces armées syriennes, appuyées par des combattants alliés, affrontaient hier les rebelles dans le quartier de Chaar. «C'est le quartier résidentiel le plus important au coeur d'Alep-Est, qui est en passe de tomber», a indiqué Rami Abdel Ramane, le directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (Osdh, basé en Grande- Bretagne), en précisant que le régime en contrôlait désormais un tiers. «S'il s'écroule, les rebelles seront acculés dans la partie sud-est (d'Alep) et le régime sera en mesure d'accentuer la guerre d'usure» contre eux, selon lui. Les différents groupes insurgés sont dans une position très difficile après avoir perdu près des deux-tiers des quartiers d'Alep qu'ils avaient conquis en 2012, un an après le début de la rébellion en Syrie. Mais au moins deux d'entre eux ont affirmé lundi leur détermination à «combattre l'''occupation'' russe et iranienne jusqu'à la dernière goutte de sang», selon Abou Abdel al-Rahmane al-Hamoui, un responsable du groupe Jaich al-Islam, en référence aux alliés du régime. Ils réagissaient à l'annonce faite lundi par Moscou de discussions entre Russes et Américains à Genève sur leur évacuation d'Alep-Est. Mais la tenue d'une telle réunion, prévue hier ou aujourd'hui, a été annulée en raison de divergences entre les deux puissances. Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a accusé les Etats-Unis de refuser de parler «sérieusement» d'Alep. «Nous avons compris qu'il est impossible de discuter sérieusement avec nos partenaires américains», a affirmé M. Lavrov lors d'une conférence de presse, accusant Washington d'avoir annulé ces discussions. Les Américains ont pour leur part accusé Moscou de tenter de gagner du temps et de faire diversion. Il n'y a «pas de percée» dans les discussions américano-russes «parce que la Russie veut conserver ses gains militaires», a déclaré l'ambassadrice adjointe américaine à l'ONU, Michele Sison. «Nous ne laisserons pas la Russie embobiner le Conseil», a-t-elle lancé à New York, où la Russie a mis son veto lundi, avec la Chine, à une résolution demandant une trêve d'au moins sept jours à Alep. C'est la sixième fois que Moscou bloque ainsi une résolution du Conseil sur la Syrie depuis le début du conflit en mars 2011. Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault a pour sa part averti que «ce n'est pas parce que Alep va tomber dans quelques semaines que la question de la paix sera réglée», en soulignant qu'une partition de la Syrie se profilait. Un départ des rebelles d'Alep représenterait la plus grande victoire de l'armée syrienne dans le conflit, qui a fait plus de 300.000 morts depuis 2011. Les insurgés, eux, ne garderaient plus le contrôle que de la province d'Idleb (nord-ouest), voisine de celle d'Alep, et de quelques poches près de Damas et dans le sud du pays. Le nombre de combattants antirégime dans Alep-Est était estimé début novembre à 8000 selon l'ONU et 15.000 selon l'Osdh, dont environ 900 jihadistes du Front Fateh al-Cham (ex-Front al-Nosra, l'ancienne branche d'Al Qaîda en Syrie). Le nombre de rebelles tués depuis le début de la dernière offensive du régime le 15 novembre est inconnu. Mais au moins 341 civils ont été tués, dont 44 enfants, tandis que plus de 50.000 des 250.000 habitants d'Alep-Est ont fui, selon l'Osdh. En outre, 81 personnes, dont 31 enfants, ont péri côté gouvernemental d'Alep après des tirs rebelles. Ces derniers ont provoqué lundi la mort de deux médecins russes travaillant dans un hôpital de campagne, d'après Moscou. Des bombardements, notamment de l'aviation russe, et des combats se poursuivent aussi dans la province d'Idleb où au moins 85 civils, dont 18 enfants, ont été tués depuis samedi, selon l'Osdh.