La directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), 60 ans, estime avoir agi dans «l'intérêt de l'Etat» français et «le respect de la loi». La patronne du FMI Christine Lagarde est jugée à partir de demain à Paris pour une «négligence» à l'origine d'un colossal détournement d'argent public quand elle était ministre de l'Economie, et risque jusqu'à un an de prison. Son procès se déroule devant une juridiction d'exception, spécialement créée pour juger les ministres et anciens ministres pour des faits commis dans l'exercice de leurs fonctions. Cette Cour de justice de la République (CJR) a, à ce jour, condamné trois membres du gouvernement français, mais c'est la première fois qu'elle juge une responsable d'une grande organisation internationale. Christine Lagarde, reconduite haut la main l'été dernier à son poste, a indiqué qu'elle se mettrait «en congé» du FMI le temps du procès, sans se prononcer sur les conséquences d'une éventuelle condamnation. Elle risque jusqu'à un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende. Ministre de l'Economie et des Finances entre 2007 et 2011, sous le mandat du président de droite Nicolas Sarkozy, elle est accusée de «négligence» dans sa gestion d'un dossier impliquant l'homme d'affaires et ancien ministre de gauche Bernard Tapie. Ce dernier estimait avoir été floué par la banque publique Crédit Lyonnais au moment de la revente de l'équipementier sportif Adidas en 1994. Pour mettre fin au tentaculaire contentieux judiciaire qui s'en était suivi, le ministère de l'Economie choisit en 2007, contre l'avis d'un organe consultatif, de recourir à un arbitrage privé. En 2008, les arbitres octroient plus de 404 millions d'euros à Bernard Tapie, pris sur les deniers publics. Mme Lagarde renonce ensuite en juillet 2008, un peu vite selon les enquêteurs, à engager un recours. Or, cette sentence arbitrale a été annulée début 2015, la justice civile estimant qu'elle était entachée de fraude. Bernard Tapie a été condamné à rembourser les 404 millions d'euros. La justice française reproche à Mme Lagarde d'avoir, dans cette affaire, fait preuve «d'une incurie et d'une précipitation critiquables» et d'avoir ainsi «privé l'Etat d'une chance d'éviter que ses fonds soient détournés». A sa décharge, il est relevé que le recours à l'arbitrage se préparait avant l'arrivée au gouvernement de celle qui était avocate au sein d'un prestigieux cabinet anglo-saxon et qu'elle n'avait pas de «relations personnelles» avec les acteurs du dossier. Mme Lagarde n'est par ailleurs pas intervenue dans le choix, très controversé, des arbitres. Les enquêteurs soupçonnent un «simulacre» organisé au bénéfice de l'homme d'affaires, dont l'avocat avait des liens avec l'un des arbitres. Ce volet fait l'objet de poursuites pénales distinctes: six personnes sont inculpées pour «escroquerie», dont l'ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde à Bercy, et actuel P-DG du groupe de télécommunications Orange, Stéphane Richard. La Cour de justice de la république souhaite entendre comme témoins certains de ces six hommes, dont M.Richard. Ce qui impliquerait par exemple qu'ils ne prêtent pas serment, pour ne pas mettre en péril leur propre défense. La Cour veut selon des sources proches du dossier citer au total huit témoins, parmi lesquels les anciens ministres Jean-Louis Borloo et Thierry Breton, et d'anciens conseillers de Nicolas Sarkozy. Pour Patrick Maisonneuve, avocat de Christine Lagarde, «il faudrait qu'un tribunal dise d'abord si oui ou non il y a eu un détournement de fonds publics», avant de juger la patronne du FMI pour des négligences qui auraient permis ce délit. «C'est une question de bon sens», estime l'avocat, qui va par conséquent demander un report du procès. «En quoi le juge pénal peut-il s'immiscer dans une décision politique?», se demande, plus généralement, Me Maisonneuve.