Dans un entretien accordé au Monde, l'ancien président de la Fifa a dressé un vaste état des lieux le concernant. L'occasion, une fois n'est pas coutume, de tacler Michel Platini... Moins d'une semaine après la confirmation de sa suspension de six ans par le Tribunal arbitral du sport (TAS), Joseph Blatter n'a pas fini de se faire entendre. Alors que lui-même avait affirmé qu'à 80 ans, il était temps pour lui de se préoccuper de sa santé et de sa vie de famille, l'ancien président de la Fifa a quand même pris le soin d'accorder une longue interview au quotidien Le Monde où il évoque son actualité, les accusations dont il se dit la victime - lui qui affirme «je n'ai pas triché» - et évidemment, au milieu du tableau, apparaît une constante: la figure de Michel Platini. Le Français qu'il soutient dans un premier temps en allant dans le sens d'un complot le concernant: «Il est dans le vrai pour le complot. Mais ce n'est pas moi qui l'ai empêché. Il ne devait pas devenir président de la FIFA, car il était responsable du fait que les Américains n'aient pas eu le Mondial 2022.» Mieux, le Suisse invite son ancien rival à «revenir s'il le souhaite. Il n'a plus que trois ans de suspension. Le temps passe vite. Il est jeune, il a 20 ans de moins que moi.» La hache de guerre serait-elle enterrée du côté de Blatter? Pas vraiment car dans la foulée, le Suisse en rajoute une couche en réaffirmant que l'attribution de la Coupe du monde 2022 au Qatar avait été rendue possible par le positionnement de Platini. «J'ai toujours espéré qu'on arriverait à amener la Coupe du monde 2018 en Russie et celle de 2022 aux Etats-Unis. On pouvait jouer cette carte diplomatique. Mais il faut bien dire, très amicalement, que Michel Platini, après la réunion qu'il a eue, à Paris, avec le président Nicolas Sarkozy et l'émir actuel du Qatar [le 23 novembre 2010] m'a dit: «On m'a demandé de voter pour les intérêts français, et mon groupe ne va pas voter ce qu'on avait tacitement décidé de voter au comité exécutif [Comex].» Cela ne m'a pas choqué. Pour l'attribution du Mondial 2010, il y avait eu la même chose. Jacques Chirac avait dit à Platini: «Tu ne vas pas voter pour l'Afrique du Sud, nous sommes très liés au Maroc.» Je savais que le Qatar allait gagner avant d'ouvrir l'enveloppe.» Une grosse pierre jetée, donc, dans le jardin du Français. Et une manière de se dédouaner totalement pour Blatter qui n'est pas tendre non plus avec son successeur à la tête de la Fifa, Gianni Infantino. Sur le plan humain, tout d'abord, le courant ne passe pas visiblement entre les deux hommes: «Moi j'ai été secrétaire général de l'organisation faîtière du foot mondial et lui seulement de l'UEFA... Infantino refuse de dialoguer avec moi depuis mai. C'est un manque de respect. Un politique peut tout changer en arrivant mais il n'est pas obligé de dire du mal de son prédécesseur.» Et professionnellement, le Suisse juge avec mépris l'action entreprise par l'ancien bras droit de Platini: «Comment peut- on réduire de façon drastique les programmes de développement, notamment en Afrique? Comment peut-on dire qu'on n'a plus besoin de «task force» contre le racisme? Toutes les deux semaines, il propose un autre programme. Exemple avec la Coupe du monde à 40 ou 48 équipes... Le format actuel à 32 équipes, c'est une très bonne formule.» Concernant les accusations de corruption le touchant, Blatter demeure droit dans ses bottes: «Je n'ai jamais touché de l'argent indûment. Si cela va devant la justice suisse, ils trouveront que tout ce que j'ai touché était légal.» Enfin, alors que le monde du ballon rond est secoué jour après jour par les révélations des Football Leaks, le Suisse, lui, porte un regard blasé sur ces soubresauts: «Plus rien ne m'étonne dans le football. On a sorti les Panama papers [où les noms de Platini et Infantino sont cités] et cela a fait un tollé formidable. Plus personne n'en parle. Ce sera la même chose avec Mendes. Une autre affaire arrivera.