Fayez Al Sarraj reçu par Abdelmalek Sellal Fayez al Sarraj et, avec lui, tous les Libyens savent pertinemment qu'il y a à peine deux ans, le spectre d'une nouvelle intervention militaire étrangère planait fortement sur la Libye... Venu par deux fois en Algérie, d'abord en janvier 2016, c'est-à-dire quelques jours à peine après avoir été désigné à la tête du gouvernement d'union nationale sur la base de l'accord conclu le 17 décembre 2015, sous l'égide de la médiation onusienne, puis le 3 octobre dernier, Fayez al Sarraj est auréolé par la toute récente victoire des forces loyalistes de Misrata qui ont repris la ville de Syrte où ils ont vaincu les derniers éléments de Daesh, revendiquant plus de 2500 terroristes éliminés dans cette opération. Cette reprise tant attendue, pendant des mois et des mois, va certainement peser dans la conduite des pourparlers qui se poursuivent entre le GNA et les forces qui lui sont hostiles: celles du CGN et de l'armée que dirige Khalifa Haftar, d'une part, et celles des groupuscules relevant des tribus du sud-ouest, d'autre part.A Alger, outre des entretiens avec le Premier ministre Abdelmalek Sellal et une audience que lui accordera le président de la République Abdelaziz Bouteflika, il fera sans doute le point de la situation avec le ministre chargé des Affaires maghrébines, de l'Union africaine et de la Ligue arabe, Abdelkader Messahel qui s'est beaucoup dépensé pour aplanir les divergences et apaiser les rivalités entre les uns et les autres. Dernière illustration de ces efforts, après la rencontre à Malabo entre les deux hommes dans le cadre du sommet arabo-africain pour le développement du continent, la venue à Alger du président du Parlement de Tobrouk, Ali Salah Aguila, accompagné de plusieurs députés aura constitué une étape importante dans l'agenda diplomatique de l'Algérie. A l'instar de ce qui avait été fait en août dernier, avec la présence de Martin Kobler, le représentant spécial du secrétaire général de l'ONU pour la Libye, et d'Ahmed Miitig, le vice-président du conseil présidentiel du gouvernement d'union nationale (GNA), le travail en coulisses de la diplomatie algérienne, constamment salué par l'ensemble des parties libyennes concernées par le processus du dialogue inclusif et de la réconciliation, se poursuit inlassablement, quelles que soient les difficultés ou les entraves.Outre l'Union africaine qui, aussi bien à travers le Groupe des pays voisins de la Libye qu'au niveau du Haut comité pour le suivi de la situation dans ce pays, a toujours conforté la doctrine de l'Algérie oeuvrant au respect de l'intégrité et de la souveraineté du peuple libyen, loin de toute ingérence étrangère, la 146e session du Conseil des ministres des Etats arabes, a renouvelé son plein appui à la solution politique préconisée dans l'accord de décembre 2015. «Les dernières réunions portant sur le dialogue national inter-libyen et sur la Réconciliation nationale, la réunion internationale sur la Libye prévue en marge de la session annuelle de l'Assemblée générale des Nations unies à la veille de la réunion du Conseil de sécurité fin septembre, constituent des avancées réelles», avait alors souligné le président du Conseil présidentiel libyen, Fayez al Sarraj qui n'ignore pas qu'Alger et sa médiation sont incontournables pour une véritable solution en Libye, à l'instar de ce qui a été fait auparavant au Mali. D'autant qu'il n'est pas sans ignorer que l'accord de 2015 avait été fondé sur la base des réunions secrètes en Algérie de plus de 200 personnalités libyennes représentant toutes les parties au conflit, y compris les représentants des tribus et de la société civile, loin des feux de la rampe qui, eux, été braqués sur des salons au Maroc pour amuser la galerie. Les experts qui suivent ce dossier le savent tout autant, qui reconnaissent que si l'Algérie demande «à ce que tout le monde soit assis autour de la table de négociations, elle obtient toujours gain de cause». Comment pourrait-il en être autrement quand on partage quelque 1000 km de frontière commune? Et quand l'histoire témoigne des liens étroits qui ont sans cesse existé entre les deux peuples, de sorte que la médiation algérienne s'exerce dans les milieux politiques, bien sûr, mais aussi dans les tensions tribales, comme ce fut le cas avec les milices touarègues et toubous, au sud du pays.L'enjeu libyen est éminemment stratégique pour nous, car il faut contrer les manoeuvres de certains pays qui tentent d'instrumentaliser les milices islamistes et, plus largement, les courants salafistes et les Frères musulmans. Si l'Algérie a prudemment anticipé les menaces d'où qu'elles viennent, en mobilisant plus de 30.000 hommes sur la frontière est où les moyens ont été grandement renforcés, ainsi que les équipements de surveillance, elle n'en poursuit pas moins ses efforts de médiation tant la sécurité du pays est tributaire de celle des pays voisins dont la Libye. Il ne s'agit donc pas de coquetterie diplomatique, mais d'un défi stratégique de premier plan. Fayez al Sarraj et avec lui tous les Libyens, savent pertinemment qu'il y a à peine deux ans le spectre d'une nouvelle intervention militaire étrangère planait fortement sur la Libye dont la partition était même souhaitée par certains pays arabes. Seule, l'Algérie, qui n'a ni calculs ni ambitions hégémoniques, a mené une bataille diplomatique soutenue pour défendre le droit du peuple libyen à sa souveraineté et à son intégrité ainsi qu'à la restauration de la paix et de la Réconciliation nationale dans le cadre d'un dialogue inclusif. Aujourd'hui que la chose semble aller de soi et qu'elle est proclamée urbi et orbi, l'heure est venue pour les Libyens de se départir des calculs étriqués et des ambitions qui grèvent les aspirations de tout un peuple.