Pour le moment, les islamistes adoptent une position d'attente très circonspecte. Selon des chefs islamistes concernés par la campagne pour l'amnistie générale et à laquelle ils prendront part, c'est le président de la République lui-même qui donnera le coup d'envoi pré-référendaire, et s'attellera pour un premier temps à expliquer aux citoyens les enjeux, les contours et les objectifs de cette option politique et sécuritaire qui nourrit les polémiques à tous les niveaux. Différents acteurs du «drame algérien» seront sollicités pour apporter leur concours à ce sujet : anciens chefs islamistes, repentis, victimes du terrorisme, familles des disparus, société civile et militants des droits de l'homme. La complexité du pardon est telle, en ce moment, qu'elle a poussé le président de la République lui-même, pourtant initiateur et concepteur du projet, à être très circonspect sur le sujet: «La douleur est encore assez vive aujourd'hui, et il est difficile pour beaucoup de gens de tourner la page», avait-il lancé à plusieurs reprises. Contacté pour définir les contours flous de cette amnistie vers laquelle tous convergent, mais que tous n'arrivent pas à cerner, Farouk Ksentini dit: «Il appartient au président lui-même de définir les axes sur lesquels repose et s'articule l'amnistie générale. Il est évident qu'il en sait quelque chose, qu'il garde pour lui, du moins pour l'instant, les grandes lignes de ce projet politique et qu'il veut en savoir plus en consultant les principaux concernés par ce projet, mais il est tout aussi évident que le moment est venu pour jouer de façon plus claire et d'expliquer aux gens de quoi est faite l'amnistie. Je crois que le moment est propice pour cela.» Les parties hostiles à toute réconciliation qui mettrait les islamistes en pole position redoutent et appréhendent à la fois que l'amnistie touche des hommes qui ont eu à diriger la violence contre l'Etat et contre le peuple et affirment que l'amnistie «si elle est pour tourner la page, c'est bien, mais elle ne doit pas être prise pour un marche-pied servant à les faire revenir à une activité politique de laquelle ils ont été définitivement exclus». Principaux concernés par cette amnistie, les islamistes se vautrent dans un «wait and see» très circonspect et attendent que les choses soient plus claires pour se prononcer, même si Abassi Madani affiche une position des plus optimistes en affirmant à partir de son exil qatari, que «plus rien ne justifiera la prise d'armes à partir du moment où l'amnistie générale sera promulguée». Pour le reste des leaders de l'ancien parti dissous, il n'y a encore rien à dire avant que les principaux fondements ne soient définis de manière à permettre d'en tirer un constat définitif. Cette réponse se retrouve dans les propos des principaux leaders habilités à parler encore, tel Boukhamkham, et qui pensent que «pour le principe», ils sont d'ores et déjà «partie prenante» dans ce que sera l'amnistie générale, mais dans le réel il faut quelque chose de précis, concret, tangible «pour savoir quelle position adopter». Plus prompts à l'adhésion, les anciens chefs militaires, des islamistes ont déjà rallié la «coalition pour l'amnistie». A Chlef, Ahmed Benaïcha affiche clairement ses options pour cette échéance à venir et plusieurs anciens chefs de l'AIS ont été sollicités pour faire avancer le projet en gestation. Paradoxalement, Madani Mezrag est moins engagé et semble attendre la suite des événements pour dire son mot à lui. Contacté, hier, à partir d'Alger: «Si tu sais toi-même m'expliquer ce qu'est l'amnistie, alors je te répondrai quelle est ma position. Je n'ai été à ce jour ni sollicité ni consulté, et le jour où je le serais je dirai ce que je pense de l'amnistie. Vous parlez de «repentis» avec une terminologie qui agace, qui surprend et qui blesse, parce qu'elle est fausse, inappropriée et erronée». D'autres chefs islamistes comme Hachemi Sahnouni, sont plus terre à terre : «On ne peut que soutenir tout ce qui peut aller dans le sens de la paix, de la fin des hostilités et de la violence. On ne peut se retourner indéfiniment en arrière, et il faut de ce fait, savoir saisir les opportunités pour repartir sur des bases plus solides». La grande campagne aura un départ à sa démesure, à ne pas en douter, et attisera des polémiques tout aussi grandes. C'est pressentant une telle complexité et une telle douleur que le président s'en était remis dès le début à une consultation référendaire. Qui tranchera.