Humaniser le code pénal et les établissements pénitentiaires reste encore un objectif à atteindre. Engagée dans un cadre de changement global des institutions de l'Etat, à partir de 1999, la réforme de la justice a piétiné pendant près de cinq années. Cependant, depuis le début de l'année en cours, on observe une réelle volonté d'avancer dans le sens d'une meilleure considération des vies humaines, d'un respect plus prononcé des droits de l'homme et de ceux des justiciables. Des modifications importantes seront apportées au code pénal et le dispositif procédural sera revu et corrigé de fond en comble. La détention et les conditions carcérales seront autant d'axes qui seront eux aussi soumis aux normes, cadres et règlements les plus respectueux des vies humaines en vigueur dans le monde. Evidemment, tout cela reste le cadre théorique des législateurs et reste encore à confirmer toute cette «remise à niveau pénale» dans la pratique. Le renforcement de la présomption d'innocence grâce au contrôle de l'opportunité de la garde à vue, sa limitation, ses motifs réels et l'obligation d'informer la retenue de ses droits et de ses devoirs annoncent déjà que par le passé, de graves manquements ont été commis au détriment des citoyens. La détention préventive, très en usage en Algérie, notamment durant les deux dernières années, sera aussi un chantier à revoir et à reconstruire. Les conditions de détention seront revues, sa durée dans le temps et son appellation, changée en détention provisoire, seront modifiées. Le principe d'indemnisation sera introduit pour réparer toute erreur judiciaire et toute détention abusive et injustifiée. Les modifications concernant le code pénal toucheront l'abrogation des dispositions relatives au crime de sabotage économique, la responsabilité pénale du gestionnaire et la peine capitale dans le crime économique. Cette catégorie de délits, dont les lois et les sanctions restent souvent entachées de préjugés et considérations politiques, a fait des ravages parmi les gestionnaires au cours de la dernière décennie et des milliers de cadres gestionnaires ont été complètement écrasés par la machine judiciaire lancée dans un contexte politique très discutable. Le système pénitentiaire devra, lui aussi, être touché par des profonds changements. Les populations carcérales devraient bénéficier aussi de meilleures conditions de détention au niveau de leur séjour, de leur alimentation et de leur prise en charge sanitaire et culturelle. Les établissements pénitentiaires, atteints de vétusté, seront soit restaurés, soit abandonnés. Plusieurs nouveaux centres sont en construction et certains d'entre eux ont été déjà achevés et réceptionnés. Des prisons «historiques» telles Serkadji ou Lambèse devront être reconverties en musées à l'horizon 2007-2008, selon des sources crédibles. L'Etat prévoit, dès le début 2006, la construction de 42 centres pénitentiaires qui pourront accueillir 36.000 détenus, car les 42.000 prisonniers détenus actuellement dans des conditions souvent très pénibles dépassent largement les capacités d'accueil des prisons algériennes. D'où les émeutes à l'intérieur des centres mêmes et les diverses mutineries qui ont frappé les prisons en 2002 et fait près de 55 morts et 120 blessés. Evidemment, des améliorations notoires ont été enregistrées à partir de 2002-2003 dans les prisons, notamment en ce qui concerne l'alimentation, la couverture sanitaire, le droit à la visite, à la lecture et au travail en semi-liberté. En fin d'année scolaire 2004, plusieurs dizaines de détenus ont été autorisés à repasser leur Bac et ont bénéficié de salles, de livres et de tranches horaires en conséquence. La durée de formation des magistrats a été allongée pour atteindre trois années, avec ce souci de faire face aux nouvelles formes de la criminalité, alors que la modernité de la gestion des choses de la justice est mise en exergue : désormais, ce sera le recours à l'outil informatique dans la gestion aussi bien de la carrière des personnels, des dossiers judiciaires, des archives, que des documents à fournir aux citoyens tel le casier judiciaire, désormais délivré dans n'importe quel tribunal du pays. Beaucoup de bonnes choses à venir, en perspective, mais la pratique réelle de ces mutations de fond exigera beaucoup de temps. Les «engrenages de la justice» échappent encore, et de loin, à ces nouvelles dispositions.