Le monologue aborde le vécu de la femme algérienne, sa situation et le rôle qu'elle occupe au sein de la famille. «L'empire» masculin devra-t-il céder une petite loge de son palais à la gent féminine ? C'est cette problématique que la jeune comédienne Nesrine Belhadj a tenté de résoudre dans la générale de la pièce Fatma présentée avant-hier au Théâtre national algérien. Ecrit par le dramaturge, auteur et comédien Benguettaf, mis en scène par Sonia et joué par Nesrine, le monologue met sous les feux de la rampe le vécu quotidien d'une femme, Fatma. A chaque fin de mois, elle monte sur la terrasse pour laver et étendre son linge sale. C'est son espace à elle. C'est là où elle retrouve sa part d'oxygène auquelle elle n'a droit qu'une seule fois tous les trente jours. Fatma a vieilli. Elle vit seule, certes, mais cette solitude lui est bénéfique parce qu'elle lui épargne des «piles» de problèmes et un tas de pépins. Et lorsqu'on est seul avec soi-même, on ne peut que se raconter des histoires. Raisonnables parfois, absurdes souvent. Dans son enfance, Fatma a souhaité devenir vétérinaire pour soigner les animaux, mais ce rêve s'est écroulé comme un château de cartes. Le décès de son père qui l'a toujours encouragé, le jour de ses seize ans, a brisé en elle tous les espoirs. Désormais, elle ne doit compter que sur elle-même. Adolescente, toute fraîche, elle se retrouve employée au siège d'un ministère. Elle travaille dans l'administration? Que nenni, mais comme femme de ménage. Elle lave la saleté des responsables qui l'assomment avec leur politique. Leur interminable discussion sur la démocratie...de façade. Puis Fatma s'est toujours tenue loin de la «boulitique». Elle n'y pige rien. Tout le monde veut l'avoir parmi ses rangs. Les hauts responsables du ministère, les associations féministes, les partis politiques. Mais elle ne veut pas entendre parler de ces histoires. Fatma vit pour travailler. De sa vie, elle ne garde qu'un tout petit souvenir de l'amour qu'elle portait à Arezki, qui lui disait des «je t'aime» timides, en kabyle bien entendu. Le monologue aborde le vécu de la femme algérienne. Sa situation et le rôle qu'elle occupe au sein de la famille. Car, il faut se le dire et le reconnaître, la femme algérienne, comme toutes les du monde, a toujours été soumise à des lois obsolètes et archaïques. Elle ne cesse d'être considérée comme un portefaix. Le fardeau de la tradition lui pèse lourdement sur les épaules. Et ça se poursuit, même avec les amendements portés au code de la famille. Par ailleurs, ce que l'on décèle dans la pièce, c'est la pauvreté du décor. Le monologue aurait pu avoir une dimension plus large s'il y avait, sur la scène, des éléments indiquant que les situations se passaient sur une terrasse. Quant à ce qui est de la jeune comédienne, Nesrine Belhadj, elle a su donner une touche bien particulière au monologue. Le rôle qu'elle incarne lui va à merveille. Elle l'interprète avec dextérité. Et ce qui est impressionnant chez elle, c'est la transition d'une situation à l'autre, sans difficulté aucune. Elle passe de la tristesse, qui vous fait couler une larme, à un humour marrant, qui vous laisse mort de rire. Nesrine c'est une magicienne qui maîtrise la mécanique des émotions. Et dire qu'elle vient tout juste de décrocher son diplôme de l'Inad! C'est, en fait, pour la première fois qu'elle se produit seule, face à un public difficile à convaincre. Et elle l'a convaincu. A signaler enfin, que cette pièce a été jouée en 1990, par la comédienne Sonia. Elle a été mise en scène par Ziani Cherif Ayad. Les deux artistes faisaient partie, avec Benguettaf et le défunt Azzedine Medjoubi, de la troupe indépendante Masrah El Qalaâ (le théâtre de la Citadelle).