Scène n Fatma, un texte écrit par M'hamed Benguettaf, se jouera, en version kabyle, le 12 février, à Illizi. La pièce, un monologue, est adaptée et mise en scène par Hamida Aït El Hadj. C'est l'histoire de Fatma, une jeune femme de ménage. Eprouvée par la vie, elle fait vivre pendant sa journée de labeur des moments de tendresse, de colère et même d'amour. Elle raconte avec humour ce regard de la société – regard réducteur et de mépris, regard arrogant et indifférent, regard accusateur et qui juge – qui est posé sur elle, mais également son propre regard qui, lui, est dirigé sur la société qui l'exploite et abuse de son humanité et de son intégrité. Fatma dévoile alors son voisinage qui est à l'image de la société : hypocrite, insensible, suffisante et profiteuse. S'exprimant mercredi lors d'un point de presse au Théâtre national, Hamida Aït El Hadj a indiqué que la pièce n'est pas une reprise. «Il y a eu un travail de fond, il s'agit d'une nouvelle mise en scène», a-t-elle dit. Et d'ajouter : «La société a changé, il y a une autre réalité qui fait qu'on ne peut pas reprendre la pièce telle qu'elle a été jouée il y a près d'une vingtaine d'années. C'est impossible de faire le même texte. On ne peut pas rester figé.» Force est de rappeler que la pièce écrite par M'hamed Benguettaf, a été jouée, il y a plus de 15 ans, par Sonia, et mise en scène par Ziani Cherif Ayad. Plus tard, en 2005, Sonia endosse le rôle du metteur en scène en reprenant la pièce et dirige Nesrine Belhadj, une jeune comédienne. La pièce a été traduite et jouée dans plusieurs langues dont le français, le catalan, le bulgare… Et aujourd'hui en tamazight. Le metteur en scène a, ensuite, indiqué que sa pièce, dans sa nouvelle version, s'inscrit dans une dimension universelle. Contrairement au premier texte, elle ne concerne pas uniquement la femme algérienne. «Toutes les femmes du monde sont touchées par le personnage de Fatma», a-t-elle relevé. Et de poursuivre : «La pièce traite de la condition de la femme. Elle aborde le problème de la solitude féminine.» Hamida Aït El Hadj a, dans ce contexte, mis l'accent sur la réalité des femmes. «Aujourd'hui, de nombreuses femmes se retrouvent seules, et c'est ce que j'essaie de montrer dans la pièce», a-t-elle précisé. Ainsi, si dans le texte original, il est surtout question d'une approche politique, puisque l'histoire se déroule dans un jour bien symbolique, à savoir le 5 juillet, date de l'indépendance de l'Algérie où un bilan est fait à travers le protagoniste, la nouvelle version donne, en revanche, une lecture à dimension humaine. «La pièce est transposée vers la réalité actuelle, époque où l'on parle de mondialisation», a-t-elle expliqué. Interrogé sur le titre de la pièce, Hamida Aït El Hadj a affirmé son rejet de baptiser cette pièce Fathma, car, a-t-elle dit, «même interprétée en tamazight, le personnage demeure inchangeable», citant à titre d'exemple Hamlet de Shakespeare qui «reste Hamlet, même joué en arabe classique ou en langue française. Mais le choix est fait par le traducteur.» Après la région du Sud du pays, la pièce Fatma sera présentée les 19, 20, 21 et 22 février au TNA. l Le personnage de Fatma sera joué par Razika Ferhan, un jeune talent qui, d'abord, a fait ses preuves à la télévision dans des sketchs diffusés pendant le ramadan 2007. «J'ai eu beaucoup de difficultés pour trouver une comédienne à la mesure de ce personnage, capable de traduire fidèlement le texte initial, et surtout parlant trois langues», a confié Hamida Aït El Hadj. Et d'expliquer aussitôt : «Pourquoi trois langues ? Parce que j'ai l'intention de la faire en arabe dialectal pour pouvoir la jouer à travers le territoire national, en arabe classique en vue de la présenter dans le monde arabe, et en français pour un public francophone.» Hamida Aït El Hadj nourrit le projet de l'adapter pour les sourds-muets. «C'est une ambition», a-t-elle confié. Et de reprendre : «Même si cela exige beaucoup de volonté, un jour je la ferai en langage de signes, car si j'étais une sourde-muette, ça m'intéresserait de voir une pièce de théâtre.» S'exprimant ensuite sur le registre linguistique, Hamida Aït El Hadj a estimé que la langue ne peut, en aucun cas, poser de problème dans la compréhension de la pièce. «Parler du théâtre en termes de langue, cela s'avère un faux problème», a-t-elle relevé, estimant : «En théâtre, il n'y a pas que la langue, il y a également le discours théâtral : scénographie, musique, lumière… Dans mon travail de metteur en scène, je ne me base pas sur l'intention langagière, mais c'est sur le substrat du texte. Je l'exploite et le mets en scène.» Enfin, parlant de la traduction de la pièce en tamazight, sachant que traduire, c'est trahir, Hamida Aït El Hadj, dont le travail de traduction a été difficile parce qu'il fallait garder l'âme et l'authenticité du texte original, a tenu à expliquer que, s'agissant de Fatma, le souci majeur consistait surtout à réussir une traduction scénique qui, elle, comporte un discours théâtral. «Fatma est un théâtre de l'émotion», a-t-elle conclu.