Abderrezak Makri ne peut cacher sa gêne face à la fin de sa propre alliance et à l'émergence de celle de Djaballah. Abdellah Djaballah formalise aujourd'hui à Alger la fusion des deux partis qu'il a lui-même créés. Le Front pour la justice et le développement et le mouvement Ennahdha ne feront qu'un avec l'objectif de jouer un rôle essentiel au sein de la mouvance islamiste. Des sources proches des nahdhaouis parlent d'un prochain élargissement à d'autres partis d'obédience islamiste de moindre importance. L'ambition de Djaballah a toujours été de trôner sur la famille politique à laquelle il appartient. Ce serait dévoiler un secret de Polichinelle que de dire que l'attitude du leader islamiste a été à l'origine des nombreux échecs de fédération des partis de la mouvance. Mais le temps semble lui donner raison, en ce sens que sa posture a fini par lui rapporter une première victoire. Elle est certes petite, mais elle compte beaucoup dans un contexte de délitement de la famille islamiste algérienne. Il faut dire qu'il y a à peine quelques semaines, les observateurs de la scène nationale ont dressé un constat d'échec de la première expérience du premier pôle partisan strictement islamiste. Le MSP qui a quitté l'alliance présidentielle pour en créer une autre, «verte» celle-là, avec deux formations, d'ailleurs «ravies» à Djaballah par ces cadres, les mouvements Enahdha et El Islah, a conduit le petit conglomérat dans le mur. Il l'a fait adhérer à la Coordination pour les libertés et la transition démocratique, l'éloignant de son substrat idéologique jusqu'à le faire fondre dans une opposition sans âme et truffée de contradictions. S'imposant comme le porte-parole de l'Alliance de l'Algérie verte, le MSP a dissous le discours islamiste dans un «chahut» revendicatif qui n'a ni queue ni tête. De fait, il a perdu son auditoire «historique», sans franchement convaincre les autres franges de l'électorat. Bref, sous Makri, le MSP a fait du grand n'importe quoi et il le paye en perdant son «Alliance» et partant, son ascendant sur la mouvance islamiste nationale. Cet évident constat est relayé par tout ce qui compte dans la famille islamiste. La discrétion du président du parti du défunt Mahfoud Nahnah illustre sa gêne face à la fin de sa propre alliance et à l'émergence de celle de Djaballah. Dans une tentative de rattraper les choses, on parle dans l'entourage de Makri de contacts avancés avec le Front du changement de Abdelmadjid Menasra. L'idée serait de faire un peu comme Djaballah en «raccommodant» le parti dans l'objectif de peser plus lourd aux prochaines échéances électorales. Les mêmes sources évoquent également des contacts poussés avec d'autres cadres «mécontents», à l'image des anciens ministres qu'a comptés le gouvernement. En fait, face à la «déferlante», Djaballah qui a beaucoup gagné en crédibilité dans les milieux islamistes, Abderrezak Makri tente de faire bonne figure, récupèrer ce qui peut l'être et éviter l'isolement de son parti au sein même de la famille islamiste algérienne. Victime du soutien inconditionnel qu'il a apporté au président Erdogan et autres ingérences dans la politique extérieure de l'Etat, Abderrezak Makri a considérablement perdu de sa crédibilité auprès de la base du MSP. L'expérience électorale qu'il aura à gérer pourrait bien précipiter sa chute, d'autant que son rival de toujours, Bouguerra Soltani, se positionne déjà en embuscade et se prépare à ramasser le parti après un très probable échec aux législatives. Les observateurs de la scène nationale n'écartent pas cette alternative, en raison surtout de la montée en puissance d'un Abdellah Djaballah, dont le rêve de domination de toute la tendance islamiste est à portée de main.