Evacuation des jihadistes et des civils En fin de compte, il s'avère que la seule force à laquelle doit désormais s'attaquer l'armée syrienne est bien celle du groupe autoproclamé Etat islamique qui, lui, maintient encore le bras de fer à la fois avec Damas et avec la coalition internationale. Une réunion consacrée à la Syrie aura lieu aujourd'hui à Moscou, avec la participation des chefs de la diplomatie russe, turque et iranienne. Les ministres de la Défense des trois pays seront également de la partie, selon le ministère russe de la Défense. «Les Russes ont proposé que la Turquie, la Russie et l'Iran se réunissent pour discuter d'une solution, dans un premier temps pour Alep, mais qui pourrait être élargie à d'autres régions en Syrie», a indiqué un haut responsable russe. Et pour cause, l'exode des quelques centaines de combattants intégristes et de leurs familles aura suscité bien des remous et entravé quelque peu celui des dizaines de milliers de civils qui ont pu sortir des réduits d'Alep-Est grâce à la reprise de l'opération d'évacuation supervisée par l'armée syrienne. Si cette dernière a posé comme condition le non-acheminement de ces groupes terroristes à Idleb où ils viendraient grossir les rangs des factions hostiles au gouvernement, il semble bien que ce soit là la seule issue qui leur reste. La rébellion, comme aiment à la qualifier les artisans de la guerre en Irak puis en Syrie, est lourdement réduite à défaut d'être vraiment anéantie. Elle ne dispose plus d'une zone géographique importante maintenant qu'elle a perdu la deuxième ville du pays. Alep, jusqu'alors capitale économique de la Syrie, va devoir panser ses blessures, mais la population, dans sa grande majorité, est soulagée de voir l'opposition dirigée par des factions comme Jabhat al Nosra alias Fateh al Cham et Ahrar al Cham, pour ne citer que celles-là, circonscrite à quelques réduits. Le plus grand d'entre eux est constitué par la province d'Idleb où foisonne une nuée de groupes et de groupuscules d'obédience intégriste. Située au nord du pays et frontalière de la Turquie qui a apporté à ces factions un soutien militaire et matériel conséquent depuis 2012, la ville d'Idleb représente, bel et bien, l'ultime menace terroriste en Syrie, si l'on excepte celle que représente Raqqa, du côté de la frontière irakienne où sévit encore l'Etat islamique. C'est en effet à Idleb que prédominent les éléments de l'Armée syrienne libre (ASL), qui luttent, avec l'aide d'Ankara, contre Daesh dans cette région, mais pas seulement. L'ASL est également chargée de combattre les milices kurdes des Unités de protection du peuple (YPG), considérées par la Turquie comme un mouvement terroriste au même titre que leur pendant du PKK, alors même que le YPG est fortement entraîné par...les pays occidentaux de la coalition internationale, au premier rang desquels figurent les Etats-Unis. Ces derniers ont expédié quelque 500 conseillers militaires aux côtés du YPG et fournissent des lots d'armes et de munitions à profusion, officiellement pour combattre l'Etat islamique. C'est la mission que la Turquie a conférée, dans le cadre d'une opération baptisée «bouclier de l'Euphrate», à l'ASL, chargée de surveiller la zone tampon tout au long de sa frontière avec la Syrie et de couper la route aux Kurdes susceptibles de renforcer les rangs des peshmergas et des militants armés du PKK, alors que sa vocation originelle, selon ses mentors du CCG, était de guerroyer contre le gouvernement de Bachar al Assad. Ainsi s'explique le zigzag répétitif du président Recep Tayyip Erdogan qui assurait jeudi dernier que l'intervention turque en Syrie ciblait «les organisations terroristes», deux jours après avoir réaffirmé qu'elle visait à «en finir avec le régime de Bachar el-Assad», déclenchant l' ire de Moscou. «La cible de l'opération Bouclier de l'Euphrate'' n'est pas un pays ou une personne, ce sont les organisations terroristes», a déclaré M. Erdogan dans un discours devant des élus locaux, à Ankara, au moment où le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov se trouvait en Turquie. Toujours est-il que tous ces groupes hostiles à Damas sont encore actifs dans les régions de Deraâ et Quneïtra où ils composent ce qu'ils appellent le «Front du sud», un groupe issu en fait des rangs de l'ASL. Mais leur capacité de nuisance est, pour ainsi dire, quasi nulle car la Jordanie qui subit depuis quelques mois les attaques jihadistes ne les voit plus du même oeil et tend à les tolérer de moins en moins. Quant aux bandes, le terme de groupe ne leur convenant guère, qui écument les zones de Hama, Homs, la banlieue de Damas ou la frontière libanaise comme à Ersal, elles se heurtent de plus en plus aux offensives impitoyables suivies de sièges hermétiques de l'armée syrienne et de ses alliés. Les éléments radicalisés constituent d'ailleurs, dans bien des cas, les ultimes combattants qui s'efforcent de maintenir l'illusion d'une opposition active face au gouvernement syrien. En fin de compte, il s'avère que la seule force à laquelle doit désormais s'attaquer l'armée syrienne est bien celle du groupe autoproclamé Etat islamique qui, lui, maintient encore le bras de fer à la fois avec Damas et avec la coalition internationale, nonobstant le duel qui l'oppose à l'armée turque et à ses nervis dans le nord de la Syrie. Autant dire que le sort de la rébellion, portée à bout de bras par les puissances occidentales et les pays arabes du CCG, est pratiquement scellé, même s'il semble, au regard de certains qui parient volontiers sur sa mutation et sa résurgence à plus ou moins brève échéance, prématuré de dire qu'elle est réellement morte et enterrée!