Satisfait des réformes entreprises, le chef de l'Etat n'en souligne pas moins qu'il existe encore des «juges intouchables». Comme il fallait s'y attendre, le président Bouteflika a profité, hier, de son discours à l'occasion des débats sur la réforme de la justice pour toucher du doigt ce terrible fléau qui continue de miner la société et les institutions algériennes. Il s'agit, comme de juste, de la corruption. Le chef de l'Etat, à ce propos, n'a pas caché que «le chemin est long avant que des normes acceptables ne soient enfin atteintes». Le mal, en effet, est trop profond. C'est pour cette raison que le chef de l'Etat a parlé d'une manière globale en se déclarant «déterminé à nettoyer la société» de ce fléau. Sur ce point précis, le premier magistrat du pays a indiqué qu'«il existe encore des juges jouissant de protections puissantes et invisibles». Il a également mis en avant les terribles ravages causés au pays à cause de la corruption, les abus de biens sociaux, la gabegie, le népotisme, le clientélisme, le favoritisme et autres fléaux de même acabit. Dans son allocution, le président Bouteflika n'en a pas moins rappelé que l´Algérie a été parmi les premiers pays à adopter la convention sur la lutte contre la corruption. Ce choix, loin d'être politicien, reflète parfaitement la conscience prise par rapport aux ravages que ces maux peuvent causer aux économies des pays et du retard qu´ils occasionnent aux programmes de développement, en décourageant l´investissement local et étranger. C'est pourquoi, aux yeux du chef de l'Etat, les réformes envisagées se doivent d'être tout aussi globales que complémentaires. Ce besoin est d'autant plus impérieux que «ces réformes, rappelle le président, interviennent en une phase très spéciale». Il s'agit, notamment, de l'entrée en vigueur de l'accord d'association avec l'Union européenne et de l'imminente entrée de notre pays au marché commun mondial de l'OMC. Ce sont là deux défis qui ne sauraient être relevés tant que la corruption continuera de miner les institutions et les esprits. D'où les récentes déclarations faites par Bouteflika et reprises en écho par son chef du gouvernement à propos de la nécessaire et mère des réformes, celle des mentalités. Il est évident pour l'ensemble des observateurs, en effet, que la corruption est quasiment entrée dans les moeurs de la plupart des citoyens algériens. Beaucoup estiment devoir payer un prix même pour bénéficier de services et de droits que leur garantit expressément la Constitution. Les responsables, à différents niveaux décisionnels, en profitent sans vergogne. Ils affichent, ce faisant, les signes extérieurs d'une richesse nouvelle et sans doute mal aquise sans que personne ne vienne leur demander des comptes. Des sources proches de la présidence de la République, qui ont requis l'anonymat, sont même allées jusqu'à dire que «ce qui a empêché jusque-là le président Bouteflika de débloquer les fonds liés à l'aide à la relance économique, forts d'une enveloppe de pas moins de 50 milliards de dollars, c'était précisément la crainte qu'une partie de cet importante manne financière ne soit détournée de sa destination originelle». Depuis, quelques pas, sans doute insuffisants, ont déjà été franchis. Le premier d'entre eux concerne l'entrée en vigueur de la loi relative à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Cette loi, entre autres dispositions, prévoit de punir sévèrement quiconque recourrait à des transactions sans passer par des chèques bancaires. Cela devrait avoir pour effet de réduire de l'importance du commerce informel, mais aussi des fortunes qui s'amassent à cause du fléau de la corruption. Il est vrai, toutefois, que les résultats de ce nouveau texte tardent encore à se faire jour. Un second texte, en préparation, portera exclusivement sur la lutte contre la corruption. Ce texte, du reste, est prévu dans de nombreux textes de l'accord de l'association Algérie-UE.