Mohamed Abdelaziz, qui jusqu'à son dernier souffle aura incarné et symbolisé la lutte pour la liberté de son pays L'année 2016 aura été marquée par la disparition du président de la République sahraouie Mohamed Abdelaziz, ennemi juré de Rabat, qui jusqu'à son dernier souffle aura incarné et symbolisé la lutte pour la liberté de son pays, le Sahara occidental. L'année 2016 aura été marquée par la disparition du président sahraoui Mohamed Abdelaziz, ennemi juré de Rabat qui jusqu'à son dernier souffle aura incarné et symbolisé la lutte pour la liberté de son pays, le Sahara occidental. Elle restera jalonnée par des événements qui auront mis en exergue une diplomatie marocaine en perdition, réduite en charpie par les victoires éclatantes du Front Polisario qui lui aura damé le pion sur le plan du respect de la légalité internationale. De l'expulsion intempestive de la composante civile de la Minurso sur injonction du souverain marocain à la décision de la Cour européenne de justice qui a déclaré que le Sahara occidental n'est pas marocain, c'est toute une étape de la longue marche du peuple sahraoui vers l'indépendance qui aura été franchie. A mi-chemin de toutes ces péripéties, on retiendra la demande d'adhésion du Royaume à l'Union africaine qui s'est invitée comme pour exacerber un peu plus la question sahraouie. Une manoeuvre orchestrée par le Palais royal qui en dit long sur sa politique affichée à ne pas céder un pouce des territoires annexés en 1975. Ce qui a fait du Sahara occidental le dernier bastion du colonialisme en Afrique. Territoire inscrit sur la liste de l'Organisation des Nations unies, des territoires non autonomes qui restent à décoloniser. L'Union africaine n'a eu de cesse à appeler à l'organisation d'un referendum de son autodétermination. Si Mohammed VI a fait du Sahara occidental une affaire personnelle et sacrée, l'Union africaine a fait de sa décolonisation une question de principe: celle du droit d'un peuple à disposer librement de son destin. «C'est le dernier avant-poste de l'occupation coloniale en Afrique, qui doit être démantelé dans l'accomplissement de la vision des pères fondateurs, à lutter pour une Afrique pleinement indépendante et souveraine», avait déclaré, au mois de mai 2015, Robert Mugabe, président du Zimbabwe et président en exercice, à l'époque, de l'Union africaine, lors de la cérémonie de célébration des 52 ans de la fondation de l'Organisation de l'unité africaine (OUA). Le soutien de l'UA Dès le début de l'année le Conseil de sécurité et de paix de l'Union africaine a réitéré son appel à fixer une date pour la tenue d'un référendum d'autodétermination pour que le peuple sahraoui puisse faire valoir son droit à l'indépendance. Le CS a appelé à «trouver une solution juste et équitable du conflit au Sahara occidental, conformément aux buts et aux principes de la Charte des Nations unies, et dans le plein respect de la légitimité internationale», est-il mentionné dans son dernier rapport sur la paix et la sécurité en Afrique rapporte une dépêche de l'agence de presse officielle sahraouie datée du 3 février 2016. Cet appel du Conseil de sécurité africain émanait du 26e Sommet de l'UA qui s'est tenu à Addis-Abeba, en Ethiopie. Il intervenait à quelques encablures du Forum de Crans Montana qui était prévu, du 17 au 22 mars 2016. Ce rendez-vous qui s'est déroulé pour la seconde fois consécutive dans la ville de Dakhla, capitale du Sahara occidental occupé dans la perspective de cautionner l'annexion du Sahara occidental, a connu un fiasco retentissant. Il a été boycotté par l'ONU, l'Unesco, l'Union européenne... alors qu'aucun chef d'Etat ou de gouvernement en exercice n'y a pris part. Un échec retentissant pour la diplomatie du Royaume alaouite. Au point où même le souverain chérifien ne s'est pas rendu à ce rendez-vous qui devait «conforter» l'occupation des territoires sahraouis par le Maroc. Une oeuvre sinistre, une page noire de son histoire que le royaume traînera pour l'éternité, un triste legs que ses générations futures auront certainement à coeur d'effacer. Cette «opération marketing» précédait d'à peine un mois le vote d'une nouvelle résolution par le Conseil de sécurité qui devait prolonger le mandat de la Minurso (Mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental). Une déclaration allait signer le prélude à une crise sans précédent entre le pouvoir marocain et l'organisation des Nations unies. «Le SG de l'ONU demande à tous les fonctionnaires et aux organes de l'ONU de ne pas participer au Forum de Crans Montana, a affirmé un haut fonctionnaire onusien, cité dimanche dernier par l'agence de presse sahraouie SPS» avait rapporté l'APS dans une dépêche datée du 14 février. Ban Ki-moon devait effectuer un mois après, au mois de mars, une visite dans la région qui devait le conduire dans les camps de réfugiés sahraouis. «Les autorités marocaines ne veulent pas que cette visite ait une relation avec le prochain rapport sur le Sahara occidental» qu'il doit présenter au Conseil de sécurité en avril, avait confié le représentant du Front Polisario auprès des Nations unies, Ahmed Boukhari. Cela n'a pas tardé à se confirmer. Le Maroc a saisi au vol la déclaration du SG de l'ONU qui avait qualifié la présence marocaine au Sahara occidental d'«occupation» lors de sa tournée, effectuée au mois de mars, au Maghreb pour violemment l'attaquer. Le gouvernement marocain avait qualifié les propos de Ban Ki-moon de «dérapage verbal» qui «déroge de façon drastique avec la terminologie traditionnellement utilisée par les Nations unies...» dans un communiqué répercuté par l'agence de presse officielle marocaine MAP. Des mesures de rétorsion sont prises par Rabat contre la Minurso. 83 membres de sa composante politique et civile ont été expulsés par le Royaume sur décision du roi. Une décision qui rend impossible le mandat de sa mission dont l'objectif est l'organisation d'un référendum au Sahara occidental. Elle ouvre la porte à la reprise des hostilités entre le Front Polisario et le Maroc. La tension monte d'un cran. On est à deux doigts de refaire parler les armes au Sahara occidental. «L'état-major de l'Alps (Armée de libération populaire sahraouie, Ndlr) a ordonné le début des exercices militaires au niveau de toutes les Régions militaires...», à l'issue d'une réunion qui s'est tenue à Bir Lahlou (territoires libérés) les 20 et 21 mars sous la direction du ministre sahraoui de la Défense, Abdellah Lehbib. «Il y aura un risque réel d'une escalade de la tension et peut-être même de conflit», avait averti le porte-parole de l'ONU, Farhan Haq. «Si la Minurso peut être rendue inopérante par un Etat membre, menaçant de fait les habitants de la région d'un retour aux hostilités parce que le gouvernement (marocain) a été offensé par un simple mot, comment garantir la stabilité de n'importe quelle mission de maintien de la paix?», s'était interrogé le porte-parole de Ban Ki-moon. L'UA a considéré cet acte comme «un précédent très dangereux.» Il «remet en question le mandat du Conseil de sécurité de l'ONU dans le maintien de la paix et la sécurité dans le monde», avait prévenu la présidente de la Commission de l'Union africaine, Nkosazana Dlamini-Zuma. Ban Ki-moon exigera le 19 avril du Conseil de sécurité le plein rétablissement de la Minurso. Un peu plus d'un mois après, le président sahraoui décèdera. «Le président de la République arabe sahraouie démocratique (Rasd) et secrétaire général du Front Polisario est décédé des suites d'une longue maladie...», indiquait une dépêche de l'APS datée du 30 mai. Mohammed VI dérape Agé de 69 ans, Mohamed Abdelaziz, président élu de la République sahraouie cumulait aussi la fonction de secrétaire général du Front Polisario dont il était membre fondateur au même titre de l'emblématique El Ouali Mustapha Sayed dont il fut le successeur, en 1976. Combattant de la première heure, il aura incarné la révolution sahraouie. Jusqu'à son dernier souffle il s'opposera à la colonisation marocaine et ne cessera de militer pour l'indépendance de son pays, le Sahara occidental. Brahim Ghali reprendra le flambeau. Quels lendemains pour la cause sahraouie? L'héritage est lourd à porter. Mohamed Abdelaziz s'est donné corps et âme pour que sa patrie recouvre sa liberté. Une liberté confisquée par la colonisation marocaine. A lui seul, il aura incarné la résistance contre les forces d'occupation du Royaume et le combat pour l'indépendance. Quarante années durant, il n'aura eu de cesse d'alerter et de sensibiliser l'opinion internationale sur les exactions, la torture, les brimades subies par son peuple. Le Front Polisario ne se départira pas de la ligne qu'il s'est fixée. Dans une lettre adressée au SG de l'ONU, le président sahraoui par intérim, Khatri Addouh, avait plaidé pour la mise en place d'un plan de pourparlers, directs et de haut niveau entre les deux parties en conflit. «Jusqu'à présent nous ne constatons pas de progrès vers le rétablissement de cette composante dans ses fonctions pour laquelle elle a été mandatée par le Conseil de sécurité à savoir l'organisation d'un référendum d'autodétermination au Sahara occidental», avait-il souligné dans une lettre adressée à Ban Ki-moon. La situation allait évoluer, mais en pire. Le président de la République sahraouie n'a pas été par quatre chemins pour la mettre en exergue. Brahim Ghali, qui a réservé sa première sortie internationale à l'Algérie après son investiture, avait souligné que «la conquête militaire des territoires sahraouis était motivée par l'idéologie expansionniste hostile du Royaume du Maroc» lors du discours d'ouverture qu'il avait prononcé à l'occasion de la 7ème édition de l'université d'été des cadres du Front Polisario et de la République arabe sahraouie démocratique (Rasd). En plein dans le mille! Le 11 août 2016, les forces d'occupation marocaines ont à plusieurs reprises traversé le mur militaire marocain vers la zone d'Alguergarat, située dans le secteur de la 1ère Région militaire sahraouie. Le face-à-face était inévitable. Le Polisario était prêt à en découdre. C'est dans le sillage de ce contexte explosif que tomberont les appréciations de l'avocat général de la Cour européenne de justice à propos de l'accord agricole signé en 2012 entre l'UE et le Maroc. «Le Sahara occidental ne fait pas partie du territoire du Maroc et, partant, contrairement à ce qui a été constaté par le tribunal ni l'Accord d'association UE-Maroc ni l'Accord de libéralisation ne lui sont applicables», avait écrit, vers la mi-septembre, Melchior Wathelet. Des recommandations qui seront suivies par les magistrats de la Cour européenne. «... Compte tenu du statut séparé et distinct garanti au territoire du Sahara occidental en vertu de la Charte des Nations unies et du principe d'autodétermination des peuples, il est exclu de considérer que l'expression «territoire du Royaume du Maroc, qui définit le champ territorial des Accords d'association et de libéralisation, englobe le Sahara occidental et, partant, que ces accords sont applicables à ce territoire», a conclu la Cour européenne de justice dans son arrêt rendu le 21 décembre 2016. C'est sur cette note que vient de prendre ses fonctions le nouveau SG de l'ONU, le Portugais Antonio Guterres, dont la mission essentielle sera d'organiser un référendum qui puisse assurer le droit à l'autodétermination du peuple garanti par les nombreuses résolutions votées par le conseil de sécurité de l'ONU.