Tazmalt a connu de violentes émeutes se soldant par le saccage et l'incendie de la pompe à essence Au chef-lieu de la wilaya, la consternation et la condamnation étaient les maîtres-mots, entendus hier avec ce regret d'être tombés aussi facilement dans le piège. La ville de Béjaïa et les quatre contrées de la wilaya se sont réveillées hier avec une gueule de bois, ne comprenant pas exactement ce qui s'est passé et comment en est-on arrivé là. Alors que Béjaïa, le chef-lieu de la wilaya, est restée calme, les actes de violences ont émaillé hier les villes d'Akbou et de Sidi Aïch au sud de la wilaya et la localité balnéaire de Baccarou à l'est. Dans la nuit d'avant-hier, c'était la ville de Tazmalt qui a connu de violentes émeutes se soldant par le saccage et l'incendie de la pompe à essence de l'entreprise Naftal, du siège de la Cnas ainsi que celui de l'agence commerciale de la SDE (ex-Sonelgaz). De jeunes manifestants sont d'abord allés provoquer la brigade de la gendarmerie en coupant la route à deux endroits différents par des troncs d'arbres et des pierres, et brûlé des pneumatiques. Ils s'en prendront ensuite tour à tour à la pompe à essence, au siège de l'agence de la Sonelgaz située dans le centre-ville, où la maison d'un particulier a été touchée par l'incendie et enfin le siège de la Cnas. Hier, en fin de matinée, Akbou a sombré dans la violence. Des émeutiers ont saccagé et incendié les sièges des contributions et de l'agence de la SDE ex-Sonelgaz. Les tentatives de rassemblement des jeunes dans certains quartiers de la ville se sont heurtés à l'opposition des riverains qui les ont invités à aller ailleurs. Par ailleurs, la grève des commerçants contre la hausse des taxes contenues dans la loi de finances 2017 et la multiplication des contrôles par les agents de la DCP était hier encore de mise avec un suivi quasi total. Le trafic routier était presque paralysé hier sur les RN 26 et 9 fermées par des dizaines de jeunes dans l'après-midi. 27 jeunes âgés entre 18 et 25 ans ont été arrêtés par la police à Tazmalt et à Béjaïa, réussissant même à récupérer les objets volés lors du saccage des édifices publics et privés. Au chef-lieu de la wilaya, le consternation et la condamnation étaient les maîtres-mots, entendus hier avec ce regret d'être tombé aussi facilement dans le piège. L'interrogation était aussi de mise sur l'absence sur le terrain des acteurs politiques et du mouvement associatif, que la conjoncture voudrait qu'ils soient au-devant de la scène pour canaliser la colère d'un mouvement qui leur échappe totalement. Piégés comme des amateurs La ville de Béjaïa s'est réveillée lentement ce matin. La crainte de vivre les événements de la veille était perceptible autant chez les commerçants que chez les habitants. Bien que la ville ait été nettoyée par les travailleurs de la commune qui se sont déployés toute la nuit pour débarrasser les détritus et les stigmates des émeutes, la peur du retour de la tension était présente. Alors que les commerces sont restés fermés toute la journée, les transports public et privé des voyageurs n'ont été opérationnels que vers 10 heures. Quelques boutiques, des officines pharmaceutiques et les administrations publiques ont ouvert leurs portes comme à l'accoutumée pour accueillir les clients et les administrés avec cependant un vigilance tout à fait compréhensible en pareille conjoncture. Rideau à demi ouvert, le propriétaire d'un magasin dans le quartier commerçant de Lekhmis cachait mal son incompréhension et ses regrets. «Nous nous sommes faits piéger comme des amateurs», relève-t-il tout en rappelant les événements de la veille, qui n'ont de valeur que celle de «porter atteinte à la réputation de la région déjà fortement malmenée ces dernières années avec la succession des fermetures de routes». Comme lui, beaucoup de citoyens regrettent qu'une manifestation pacifique puisse prendre une tournure pareille. «Nous avons laissé faire les ennemis de la région», constate amèrement et regrette que les personnalités politiques et les associations n'aient pas intervenu au moment opportun pour encadrer la manifestation, même si, reconnaît-il, celle-ci était imprévisible. «Nous sommes pour la contestation mais dans la calme», souligne cette dame qui a du mal à trouver le pain pour son déjeuner. «Il y a plus de peur que de mal pour tout qui peut nous arriver à l'avenir. Nos traditions ne sont pas celles d'aujourd'hui 'rabbi yestar incha Allah'', ajoute un sexagénaire. Pour les acteurs politiques, qui ont unanimement condamné les actes de vandalisme et le pillage des biens publics et privés, «la violence n'a jamais été la solution». Certains sont allés jusqu'à accuser le régime d'avoir provoqué sciemment ces émeutes en Kabylie pour montrer l'exemple aux autres régions du pays. Favorable à la contestation de la loi de finances 2017 avec toutes ses retombées sur le pouvoir d'achat du consommateur, le personnel politique local, bien qu'absent sur le terrain, s'est exprimé hier sur ces moments douloureux, «Les événements qu'à connu notre wilaya aujourd'hui resteront gravés dans nos mémoires, pour tous ceux qui se rappellent les expériences passées dont les séquelles sont encore visibles aujourd'hui sur tous les plans, en particulier la stagnation économique depuis au moins 15 ans, telle une nuit hivernale qui n'en finit pas.» Les partis dans l'expectative À qui profite cette oeuvre de déstabilisation dont la finalité n'est autre que la reconfiguration du visage de notre wilaya, pour substituer à nos traditions légendaires d'accueil, tolérance, convivialité et surtout de savoir, de nouvelles formes de vie sociale ou règnera l'intolérance, le désordre, la désobéissance permanente et, plus grave encore, l'insécurité, lorsque l'on s'attaque aux biens d'autrui par le vol ou la destruction», indique Séghir Ould Taleb, membre de l'Association des sages de la wilaya, récemment créée ajoutant que «ces comportements étrangers à notre culture, nous les condamnons avec fermeté, car ils jettent le discrédit sur nous, en donnant une fausse image de notre région que certains agitateurs ont pour dessein de singulariser par rapport au reste du pays. Nous refusons le rôle de bouc émissaire, pour ce, nous faisons appel à toute notre population des quatre coins de la wilaya, à faire preuve de vigilance, refuser l'aventure vers l'inconnu orchestrée par des inconnus. Certes, la revendication est un droit légitime, mais sa forme d'expression doit refléter le niveau de citoyenneté». Pour Boualem Mimouni, élu FFS à l'APW de Béjaïa: «Oui le peuple en a marre de ce régime, la jeunesse est désespérée. Chômage, mal-vie, flambée des prix des produits de large consommation, manque de logements, pas de loisirs, pas de lueur d'espoir en l'avenir, tout cela est une malheureuse réalité vécue au quotidien par la majorité des Algériens, mais la violence ne changera pas ce régime, bien au contraire, elle le renforcera dans sa politique de répression et n'engendrera que destruction et désolation.» Pour le RCD, par la voix de Mouloud Deboub, président du bureau régional de Béjaïa, «les dépassements, les violences, les émeutes, les scènes de saccage, de vandalisme et de pillage qu'ont connus certaines communes de notre wilaya, sont des actes prémédités et orchestrés par certains cercles proches du pouvoir, ces mêmes cercles qui ont lancé des appels anonymes à une grève générale de cinq jours des commerçants», mettant en exergue son opposition «aux violences, à l'anarchie et au chaos», qui précise-t-il «n'arrangent que le pouvoir, ses relais et sa clientèle au niveau local». Le RCD s'explique sur son absence sur le terrain en affirmant avoir été le premier parti à dénoncer pacifiquement la loi de finances 2017 dans une marche pacifique à Béjaïa en novembre de l'année dernière. Bref, un calme craintif était hier de mise à Béjaïa, une ville donnée comme la plus pacifique d'Algérie par les services de sécurité sur le plan de la délinquance. Exception faite des villes d'Akbou, Sidi Aïch et Baccaro, le chef-lieu et les quatre coins de la wilaya sont restés calmes. A noter enfin que la Laddh convoquait hier en fin de journée une réunion en son siège avec la société civile pour évaluer la situation et décider en commun des mesures à prendre pour y faire face.