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18 mois sans salaires
BLIDA
Publié dans L'Expression le 03 - 04 - 2005

Les jours se suivent et se ressemblent au niveau de l'unité de réalisation du groupe ER Blida, qui traverse une période difficile laquelle menace l'avenir de ses travailleurs.
Cette société inscrite il y a de cela une dizaine d'années parmi les plus performantes du pays dans le domaine de la réalisation dans la mesure où elle avait réalisé plusieurs infrastructures importantes, à l'instar de la Cour suprême d'Alger , le siège de la wilaya de Tipaza ainsi que le siège de l'Opgi de Blida, tout en possédant un matériel moderne, se heurte depuis plus de deux ans à une véritable crise et vit dans un chaos persistant faisant des 180 travailleurs que compte actuellement cette unité, les principales victimes de cette crise.
«Nous sommes sans salaires depuis 18 mois, ce qui nous a poussés après plusieurs tentatives de dialogue avec nos responsables, à déclencher un arrêt de travail qui remonte à une trentaine de jours», nous dira un groupe de travailleurs rencontrés au niveau du siège de l'unité de réalisation de l'ERB qui est dans un état lamentable et qui pue les mauvaises odeurs. Ces travailleurs qui sont tous des pères de famille ajoutent: «Ce qui nous frappe surtout, c'est qu'il y a une indifférence totale de la part de notre tutelle. On a frappé à toutes les portes pour dire que 18 mois sans salaires, c'est quand même trop, mais rien à faire, personne n'est venu chercher les raisons de cette hogra ou carrément nous trouver une solution. Le pire c'est qu'on a sollicité à plusieurs reprises l'inspection du travail qui est censée nous défendre, mais en vain, surtout en l'absence d'une représentation syndicale à notre niveau, car celui qui existe est illégal pour nous et les responsables de l'Ugta ne cessent d'envoyer des lettres à notre P-DG pour renouveler notre syndicat mais en vain».
Plus grave encore, selon d'autres déclarations, certaines épouses de ces travailleurs ont perdu confiance en leur mari et commencent à avoir des doutes. Elles ne cessent de sillonner le siège de l'ERB pour vérifier s'ils sont vraiment sans salaires ou si c'est une affaire de... polygamie !!!
C'est pour cette raison et en dehors de cet arrêt de travail, que les «victimes» ont sollicité le président de la République à travers une lettre ouverte et dont nous détenons une copie afin de lui expliquer notre mal-vivre au sein de l'ERB mais surtout de lui demander de déclencher des enquêtes pour voir ce qui se passe dans cette entreprise qui détenait un grand savoir-faire dans le domaine de la réalisation et qui, aujourd'hui, meurt à petit feu tout en ayant un avenir flou.
Dans cette lettre, les signataires évoquent le problème épineux du salaire mais également l'absence des allocations familiales pendant 16 mois, les retraitables de l'entreprise qui n'ont pas pu avoir leur retraite à cause de l'inexistence des cotisations de l'ERB au profit de la Caisse nationale des retraites, et ce, pendant plusieurs années, alors qu'officiellement, ces cotisations devaient être transmises à la CNR. Ils se demandent par ailleurs, à travers cette lettre la destination de l'argent des ventes des matériaux aux enchères et les cotisations de la mutuelle ainsi que le droit aux oeuvres sociales.
Il faut dire que le recours au premier magistrat du pays n'est pas fortuit cette fois-ci, car depuis le début de l'année 2000, les travailleurs du groupe ERB, d'une manière générale, ont toujours écrit aux différents responsables tout en ayant recours aux mouvements de grève à cause notamment du retard flagrant des salaires. Mais en vain.
L'appel de ces travailleurs lancé à M.Bouteflika est sans doute une manière pour eux d'essayer de trouver une solution finale à leurs problèmes qui n'ont jamais connu depuis le début de la crise, une issue favorable et durable surtout et qui a engendré une perte de milliers d'emplois.
«En sus de tous ces problèmes, deux de nos collègues étaient morts suite au séisme de Boumerdès et au fameux accident du bus à Bologhine. La famille de ce dernier n'a rien reçu de la part de l'ERB alors que la famille de la victime du séisme a pu avoir ses droits après un véritable parcours du combattant», nous dira un travailleur angoissé par son état et chagriné par le souvenir de la mort de ses ex-collègues.
Côté administration et pour avoir l'autre son de cloche, on parle tout d'abord d'une grève qualifiée d'illégale et d'un manque à gagner considérable suite à ce débrayage.
L'importante difficulté financière vécue par l'entreprise est également abordée. «On a bénéficié, il y a quelques mois, de deux projets à Khemis El Khechna dans la wilaya de Boumerdès et à Bologhine et ce, pour le compte des Opgi de Boumerdès et de Bir Mourad Raïs. Cependant, on n'a pas encore touché notre argent qui s'évalue à plusieurs millions de dinars qui représentent nos travaux dans ces deux localités et malgré tout ça, on paye dès qu'on peut nos travailleurs», nous a fait savoir le DAF de l'ERB avant d'ajouter que le groupe ERB a énormément de crédit vis-à-vis de ses fournisseurs et qu'il a perdu une bonne partie de son capital en 2003 qui était de 85.000.000,00 DA. Dans ce sens, il y a nécessité, toujours d'après la même source, d'organiser une assemblée extraordinaire avec la première tutelle des entreprises de réalisation qui n'est autre que la Société de gestion et de participation Indjab afin de trouver une solution à cette crise qui dure.
La même personne nous informa que le chaos vécu par le groupe ERB en particulier et d'autres entreprises de réalisation d'une manière générale, est dû également aux banques qui n'accordent plus de crédits à ce genre d'entreprises depuis 2002.
Pour le nouveau P-DG de l'ERB, à savoir M.Bourekoum qui chapeaute les différentes unités et filiales de ce groupe (réalisation, production, menuiserie, construction métallique, complexe plâtrier de Ghardaïa...), ces problèmes ont surgi à cause d'une mauvaise gestion datant de plusieurs années au niveau de ce groupe. «La crise qui touche l'ERB touche un nombre considérable d'entreprises publiques, notamment celle qui fait de la réalisation, ce qui généralise ce problème. Cependant, on fait de notre mieux pour payer nos travailleurs, notamment ceux qui exercent au niveau de l'unité de réalisation, même si cela nous est très difficile car on n'a pas beaucoup d'entrées financières et on a en contrepartie énormément de charges en dehors de la masse salariale. Une chose est sûre, c'est que tous ces emplois seront assurés et sauvegardés», rétorqua-t-il.
Enfin, le groupe ERB qui faisait la notoriété de la ville des Roses à travers ses réalisations de grandes infrastructures et de logements préfabriqués et totalement en béton, conciliant rapport, coût et rapidité d'exécution, se classe aujourd'hui parmi les entreprises qui se préparent pour figurer dans le guiness des records pour non-paiement des travailleurs pendant plus de 18 mois mais surtout, pour non-assistance à des personnes en danger pendant la même période!


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