Instabilité politique depuis la révolution de 2011, pénurie, crise économique et violences dans les stades ont rejailli sur le football égyptien. Mais les «Pharaons» reviennent enfin à la coupe d'Afrique des nations après sept ans d'absence, en entrant en lice face au Mali ce soir. L'Egypte, c'est le plus beau palmarès de la CAN: septtitres, dont les trois derniers consécutifs (2006, 2008 et 2010), leur dernière apparition datant d'ailleurs de leur dernier titre. Depuis, les choses ont bien changé. «L'Egypte revient dans le tournoi dans des circonstances totalement différentes», explique Karim Ramzy, rédacteur en chef du site indépendant Yallakora. Après la révolution de janvier 2011 et la chute de Hosni Moubarak, puis la destitution du président islamiste Mohamed Morsi en juillet 2013, l'Egypte a traversé une période d'instabilité politique qui a affecté le football du pays. M.Ramzy souligne que l'Equipe nationale ne reçoit plus le même «soutien politique» qu'avant 2011, lorsque les fils du président Moubarak se rendaient aux entraînements et aux matchs. Par ailleurs, avec «les défis politiques et économiques», l'intérêt pour le ballon rond a diminué en Egypte, ajoute M. Ramzy. «Sous Moubarak, il n'y avait rien d'autre de plus important que le foot. C'était même plus important que les élections présidentielle et législatives», selon lui. Aujourd'hui, le temps d'antenne dédié au parcours de l'Egypte à la CAN-2017, qui se déroule au Gabon, est réduit. Les ondes égyptiennes sont davantage préoccupées par la crise économique, les prix en hausse et les pénuries de certains produits de première nécessité. La violence a aussi pénalisé le football égyptien lorsque les portes des stades du pays ont fermé une première fois après la mort de 72 supporters d'Al-Ahly en février 2012, dans des affrontements avec des fans d'une autre équipe égyptienne. En février 2015, les portes s'ouvrent à nouveau, mais 19 supporters de Zamalek sont tués dans de nouveaux débordements. Et les autorités ferment encore les stades... Hany Hathout, présentateur sur la chaîne privée eXtra News, espère «que (la CAN) sera une bonne occasion pour les Egyptiens de se rassembler derrière leur équipe». Mais que vaut la sélection sportivement? La CAN-2017 est une première pour 19 des 23 joueurs choisis par le sélectionneur argentin Hector Cuper. Tombée dans le relevé groupe 4 avec le Ghana, l'Ouganda et le Mali, l'Egypte doit gérer la retraite de joueurs emblématiques comme Mohamed Aboutrika, Ahmed Hassan, Wael Gomaa et Mohamed Zidan. Et la jeune génération, incarnée par Mohamed Salah (AS Rome) et les pensionnaires de Premier League - Mohamed Elneny (Arsenal), Ramadan Sobhi (Stoke), Ahmed El Mohamady (Hull) -, n'inspire guère confiance aux fans. Ces derniers comptent encore beaucoup sur deux vieux guerriers: le légendaire gardien Essam El-Hadary (44 ans, vainqueur de quatre CAN) et le défenseur Ahmed Fathi (32 ans, qui a gagné trois CAN). Les fans des «Pharaons» craignent aussi que la mayonnaise ne prenne pas bien entre les 10 joueurs professionnels qui évoluent à l'étranger et les autres. «Il y a un manque d'expérience et pas d'interaction avec les équipes africaines pour beaucoup de joueurs, et il est possible que les performances de l'Egypte ne soient pas à la hauteur des attentes du public», estime ainsi Ahmed Hassan, ex-capitaine de l'équipe qui a remporté les trois derniers titres. Mais «l'Egypte se débrouille toujours bien dans les tournois», nuance-t-il. La réponse va venir du terrain, très vite.