Les milices de Misrata contrôlent l'aéroport de Tripoli Après la réunion, mi-janvier, du Groupe des pays voisins au Caire, la situation s'est quelque peu emballée avec des tentatives disparates de maîtrise du dossier libyen, pourtant extrêmement complexe. Après d'intenses efforts au sein et en marge de la médiation onusienne pour conforter son approche de la crise libyenne pour laquelle elle a constamment défendu un dialogue inclusif engageant toutes les parties loin d'une quelconque ingérence extérieure, l'Algérie a marqué son retour en force dans les enjeux et les défis sécuritaires de la région, au point de devenir un interlocuteur incontournable pour l'ensemble des grandes puissances qui ont adhéré à sa vision en faveur d'une recherche opiniâtre de la solution consensuelle. A cela une raison précise, Alger est devenue tout au long des deux dernières années écoulées un rendez-vous périodique de la majorité des factions libyennes, qu'elles soient militaires, politiques ou de la société civile. Un homme a singulièrement défriché le terrain, multipliant les rencontres et exploitant à satiété les réseaux d'influence dont l'Algérie dispose désormais, grâce à son entregent, à son sens des relations humaines et à son incontestable aura dans presque tout le continent et notamment au niveau de l'Union africaine. Cet homme, c'est Abdelkader Messahel, le ministre chargé des Affaires maghrébines, de l'Union africaine et de la Ligue des Etats arabes. Son audience est considérable également en Europe et aux Etats-Unis. A titre indicatif, la rencontre consacrée, voici une semaine à Alger, à «l'impact de la situation sécuritaire en Libye sur la sécurité frontalière des pays du voisinage» organisée par le Centre africain d'étude et de recherche sur le terrorisme (Caert) a vu de très nombreux experts des Etats membres du Groupe des pays voisins, bien sûr, mais aussi du Sahel comme le Mali et le Burkina Faso, l'African Union Border Program (Aubp), l'Organisation internationale des migrations (Oim), et Interpol. C'est dire si la voix de la diplomatie algérienne a atteint une portée qui va bien au-delà des seuls objectifs régionaux et continentaux. Après la réunion, mi-janvier, du Groupe des pays voisins au Caire, la situation s'est quelque peu emballée avec des tentatives disparates de maîtrise du dossier libyen, pourtant extrêmement complexe. D'abord, il y eut l'annonce par l'Egypte de la préparation d'une prochaine rencontre entre deux protagonistes majeurs, en l'occurrence le maréchal Haftar et le président du Conseil Fayez al Serraj. Ensuite, on parle depuis quarante-huit heures, d'une initiative tunisienne qui viendrait se greffer sur le projet égyptien. De son côté, l'Algérie qui veille inexorablement à rester à équidistance vis-à-vis de toutes les factions pour que sa parole conserve sa puissance et sa crédibilité oeuvre en coulisses au rapprochement des gens de l'Est libyen avec les dirigeants de Tripoli, visibles et invisibles. Le grand défi est en effet de concilier les tenants du Parlement basé à Tobrouk et appuyé par l'ANL de Haftar et le gouvernement d'union consacré par l'ONU et soutenu par les milices de Misrata. En recevant tour à tour, le président du Parlement, Salah Aguila, le maréchal Haftar et Fayez al Serraj, Alger a inlassablement répété son message focalisé sur la recherche d'une solution urgente au profit exclusif du peuple libyen dans le respect de son unité et de son intégrité. Abdelkader Messahel qui fut le premier diplomate à se rendre à Tripoli en 2015, rencontrant de nombreux interlocuteurs sur place, ressasse cette exigence d'éviter que le pays ne finisse par succomber aux drames qui déchirent l'Irak et la Syrie. L'Algérie a un programme et un but au profit exclusif du peuple frère: mettre en place une armée nationale forte et un gouvernement d'union reconnu et légitimé pour pouvoir affronter les exigences sécuritaires, sociales et économiques du pays. Terrorisme et crimes organisés menacent certes les pays voisins, mais ils risquent, si l'on n'y prend garde, de dynamiter la Libye que certaines capitales espèrent voir morcelée en trois Etats antagonistes. Preuve de la dynamique algérienne, le Haut comité de l'Union africaine qui a sans cesse appuyé notre diplomatie sur ce terrain vient ces jours-ci d'entériner la stratégie Messahel qui plaidait l'élargissement de l'instance aux pays voisins dont les initiatives doivent être concertées et univoques. C'est aussi une des raisons pour laquelle le ministre d'Etat, Ramtane Lamamra, a rencontré son homologue égyptien, Sameh Chokri, en marge des travaux de la commission de l'UA, à Addis Abeba. Car l'Egypte du maréchal Al Sissi s'est affranchie des pressions des pays du CCG et adhère pleinement, aujourd'hui, à la stratégie algérienne, nonobstant quelques divergences qui ne sont pas insurmontables. Telle est la donne actuelle, à laquelle il va falloir intégrer la carte russe depuis que Haftar a été triomphalement reçu sur le porte-avion amiral Kouznetsov, en veillant à ce que la feuille de route onusienne, validée par l'UA, demeure une référence obligée.