Un chantier aussi complexe qu'imprécis exige un appui «majeur» de la part d'anciens dirigeants du pays. Selon des sources sûres, l'amnistie générale va entrer dans sa phase première, celle de l'ébauche de ce que sera le texte définitif de l'amnistie générale. La Commission nationale d'amnistie générale qui planche sur le sujet depuis sa mise en place, n'arrive pas, elle-même, à cerner les contours exacts de ce projet, qui en fait, est en train de mûrir dans l'esprit du président. Par contre, le mérite de la Cnag est d'avoir fait appel à toutes les tendances, d'avoir entendu plusieurs acteurs et victimes de la tragédie nationale et de laisser ouvert un livre où seront consignés tous les témoignages, aussi contradictoires fussent-ils. C'est dans cet ordre d'idées qu'au moins trois anciens présidents algériens seront sollicités et entendus. Il s'agit de Ahmed Ben Bella, Chadli Bendjedid et Liamine Zeroual. Le premier est déjà président d'honneur de ladite Cnag et jouit d'un rayonnement certain aussi bien auprès du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, qu'auprès de la mouvance islamiste, impliquée dans la violence qui a secoué le pays entre 1992 et 2002, année où la désintégration des groupes armés a été plus prononcée avec, notamment, la neutralisation de Antar Zouabri en février de la même année. L'importance de faire appel au concours de l'ancien président Chadli Bendjedid est d'autant plus évidente qu'il s'agit d'un chef d'Etat qui a agréé le FIS, qui a eu à le gérer, qui a vécu la montée en puissance de la contestation politique au nom de l'islam, qui a vécu aussi bien la création de la première organisation islamiste armée en Algérie, le MIA de Bouyali, que les groupes rebelles qui ont gravité autour du FIS et qui ont abouti à la création du GIA, en octobre 1992. Le témoignage de Chadli Bendjedid est d'autant plus essentiel que nous sommes en face d'un homme qui avait cherché le compromis sans le trouver, qui avait tenté de cohabiter, qui s'y est préparé, mais qui a fini par céder face à une trop forte pression. Et c'est le même Chadli qui a mis un terme à sa retraite politique en acceptant l'invitation du chef de l'Etat, le premier novembre dernier, à l'occasion du 50e anniversaire du déclenchement de la lutte de Libération nationale. L'apparition tant publique qu'officielle de l'ancien président témoigne du soutien qu'il apporte à la démarche de réconciliation nationale prônée par Bouteflika. Le témoignage de Liamine Zeroual est capital lui aussi, en ce sens qu'il a été le premier, au début de l'année 1994, à tenter de procéder à un dialogue avec le GIA (dont l'émir était à l'époque Sid- Ahmed Mourad et qui sera abattu à Bouzaréah en février). Liamine Zeroual a aussi été l'auteur de la tentative de renouer le dialogue avec le FIS et a même été jusqu'à se rendre à la prison de Blida pour rencontrer les dirigeants du parti. Mais c'est certainement parce qu'il avait, le premier, promulgué sa fameuse «loi de la Rahma» que Zeroual reste incontournable. Cette loi avait permis, à l'époque, de «récupérer des milliers de jeunes «égarés», comme il se plaisait à les qualifier dans chaque discours. Aussi, le poids moral et politique de cet ancien chef d'Etat est-il considérable, pour amener l'opinion publique nationale à soutenir la démarche présidentielle. Il faut ajouter, informent nos sources, au trio d'anciens présidents, une pléiade de personnalités nationales, dont Mouloud Hamrouche, Mohamed Betchine et Abdelhamid Mehri. Trois «têtes d'affiche» pour mieux appréhender un problème d'une gravité inouïe, et dont, sérieusement, personne à ce jour n'en maîtrise avec exactitude les contours, les limites et le contenu.