Le président de la Commission nationale consultative de promotion et de défense des droits de l'homme (CNCPDDH) a une nouvelle fois ouvert le débat sur l'amnistie générale. Dans une déclaration faite mardi à la Radio nationale, maître Farouk Ksentini s'est montré, en effet, persuadé que « 2010 sera l'année de l'amnistie générale ». « J'espère qu'il y aura cette amnistie générale pour tourner définitivement la page (…). » Il n'y a aucun pays ayant connu une guerre civile qui n'a pas fini par une amnistie générale. C'est notre destin. Le référendum est sans doute le meilleur moyen pour que le peuple donne son avis sur ce dossier sensible », a-t-il soutenu. Me Ksentini, qui n'en est pas à sa première intrusion aussi surprenante que curieuse, cette année, dans le débat politico-sécuritaire, intervient après que le Premier ministre ait pourtant clos cette question de l'amnistie générale. Lors d'une conférence de presse animée le 5 juin dernier, Ahmed Ouyahia avait démenti l'existence, au sein du gouvernement, d'un projet amnistie générale. Un projet qu'il avait d'ailleurs à l'occasion qualifié d'inutile dans la mesure où, avait-il rappelé, la charte pour la paix et la réconciliation nationale renferme des dispositions amnistiantes. Connaissant tous ces éléments, les positions défendues par le responsable de la CNCPDDH, une structure dépendant de la présidence de la République, ne vont pas sans susciter quelques interrogations. La première d'entre elles consisterait à savoir si Me Ksentini parle uniquement en son nom ou au contraire s'il le fait au nom d'une partie du pouvoir favorable à la mise en place d'une nouvelle feuille de route dans la gestion du dossier politico-sécuritaire. Consensus fragile Bien évidemment, une collusion éventuelle entre Me Ksentini et certains cercles du pouvoir laisserait entendre que la position d'Ouyahia sur l'amnistie générale – c'est le moins que l'on puisse dire – n'est pas partagée par tout le monde. Pis, cela pourrait même vouloir dire qu'il y a fracture au sommet. Dans ce cas, il est permis d'interpréter l'entêtement de Me Ksentini concernant cette question de l'amnistie générale comme une volonté manifeste de sa part et de ses sponsors politiques d'imposer par tous les moyens, au sein de l'opinion, ce concept d'amnistie générale comme la panacée ou le remède suprême à la crise algérienne. Pourquoi et à quelles fins ? Pour beaucoup, les arguments avancés par Me Ksentini pour justifier un projet d'amnistie générale ne sont pas du tout convaincants. Cela à moins qu'il ait une idée derrière la tête ou qu'il n'a pas assez dit sur ce qu'il attend réellement du projet. En tout cas et comme à chaque fois qu'il y a divergence au sommet du pouvoir, il faut s'attendre à ce qu'un bras de fer autour de l'amnistie générale se traduise à l'avenir par une cacophonie dans le discours de l'Etat, une ambivalence dans les positions du pouvoir et une multiplication des attaques sournoises entre partisans et opposants au projet d'amnistie générale. A moins qu'un consensus ne soit trouvé très vite. L'évolution de la situation dépend aussi, bien entendu, des projets du président de la République. C'est, rappelons-le, lui qui a réintroduit il y a peu (cela s'est fait lors de la campagne pour la présidentielle) dans le lexique politique algérien ce concept d'amnistie générale. Un concept avec lequel avait beaucoup jonglé, durant les années 1990, ce qui s'appelait alors le camp des réconciliateurs.