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L'Algérie face à la mondialisation
ENJEUX ET DEFIS DU SECOND MANDAT DU PRESIDENT BOUTEFLIKA (1) DE TAYEB BENAYCOUB
Publié dans L'Expression le 11 - 04 - 2005

La mondialisation reste un processus contraignant, mais c'est également un processus porteur de développement, de liberté et de progrès.
Un important ouvrage, collectif socio-politique et socio-économique, dirigé et coordonné par le docteur Abderrahmane Mebtoul, expert international connu pour ses contributions nationales et internationales à travers ses nombreux écrits, ses fonctions supérieures occupées au niveau des structures de l'Etat et le dynamisme de l'Association nationale de développement de l'économie de marché (Adem) et qu'il préside depuis 1992, vient de paraître en deux tomes, coïncidant avec l'anniversaire de l'élection du président Abdelaziz Bouteflika à la magistrature suprême le 8 avril 2004. Cet ouvrage, sans nul doute, sera une référence pour toute la politique économique et sociale de l'Algérie entre 2005/2010, et contribuera à l'enrichissement du débat sur les réformes en cours ou à venir, et sur des questions aussi vitales que celles qui ont trait à l'insertion de notre pays dans le marché globalisé et dans la société de l'information, à son intégration aux systèmes internationaux de sécurité et de défense - en place ou en voie de constitution - et à sa participation active à la lutte mondiale contre le terrorisme, débats qui font cruellement défaut en Algérie. Le livre aborde toutes ces questions avec une honnêteté intellectuelle et une objectivité qui méritent d'être relevées. Certes, la mondialisation reste un processus contraignant mais c'est également un processus porteur de développement, de liberté et de progrès. Des mécanismes sociaux de régulation se mettent en effet en place, qui annoncent une gestion maîtrisée de ce phénomène et laissent augurer l'avènement d'un monde plus équilibré et plus solidaire.
S'agissant des réformes socio-économiques et politiques mises en oeuvre par notre pays, l'ouvrage les situe avec justesse dans le contexte des changements mondiaux auxquels nous assistons aujourd'hui. L'ouvrage met aussi en évidence, et avec pertinence, les difficultés politiques et les résistances sociologiques que ces réformes ont rencontrées ou sont susceptibles de rencontrer. Par ailleurs, et comme l'ont montré les auteurs de ce livre, la crise multidimensionnelle que nous avons vécue trouve son explication dans la rupture du consensus politique relatif à l'ordre étatique et social construit dès après l'indépendance du pays.
A cela, s'ajoute la dimension humaine - c'est-à-dire la subjectivité - qui a souvent déterminé des attitudes génératrices de faux clivages et d'antagonismes néfastes à une gouvernance sereine et productive.
Selon les auteurs, il apparaît clairement que le second mandat du président Bouteflika s'annonce sous des auspices favorables pour différentes raisons qu'ils énumèrent:
Les raisons d'ordre économique
Elles sont nombreuses et relèvent d'initiatives prises au double plan interne et externe:
- la poursuite de la consolidation des grands équilibres macroéconomiques, une plus grande rigueur dans la gestion des dépenses budgétaires, une amélioration sensible de la gestion du secteur mines-énergie, la reprise de la croissance - tirée certes par les dépenses publiques - après une récession importante, la constitution des réserves de change qui garantit la stabilité du dinar et l'attrait de l'investissement, la diminution sensible du taux de chômage, la signature des accords avec l'Union européenne et l'avancement des négociations avec l'OMC, après des années d'atermoiements qui procurent des avantages comparatifs positifs à moyen et long terme.
Par ailleurs, l'embellie financière que connaît le pays aujourd'hui met psychologiquement et politiquement à l'aise le président de la République et ceux qui l'accompagnent dans l'entreprise de redressement national. Premièrement, vis-à-vis des partenaires étrangers aux yeux desquels il apparaît comme le président d'un pays qui est tout à fait solvable, augmentant sensiblement en cela sa marge de manoeuvre et le mettant en position de faire valoir des atouts qui ne sont pas négligeables.
Une telle situation ne peut que susciter l'intérêt des investisseurs potentiels et provoquer un afflux significatif d'investissements directs étrangers. Deuxièmement, vis-à-vis de l'opinion nationale d'une manière générale et du monde du travail et de l'entreprise d'une manière particulière : le deuxième programme de soutien à la relance économique que le président de la République va lancer ne pourra que les rasséréner et leur donner des raisons sérieuses d'espérer et de se mobiliser.
Les raisons d'ordre politique
Elles sont au moins au nombre de deux. D'une part, la scène politique nationale connaît aujourd'hui un apaisement certain qui n'est pas le fruit du hasard mais le fait d'une conviction profonde, d'une approche pragmatique de la chose politique et d'une démarche qui met en avant le caractère productif et salutaire de toute entreprise de pacification et de normalisation des relations entre les hommes ; d'autre part, la réconciliation nationale, à travers l'amnistie générale, oeuvre douloureuse et complexe, s'impose de plus en plus dans l'opinion publique et au sein de la classe politique comme un projet porteur de paix véritable et d'espérance légitime. Qu'il s'agisse du règlement définitif de la crise que la Kabylie a vécue ces dernières années ou de l'amnistie générale, nous nous trouvons finalement portés par un mouvement puissant qui vient des profondeurs de la société algérienne et qui ne pourra qu'emprunter le chemin que le président de la République lui a déjà tracé.
Les raisons d'ordre sécuritaire
La stabilisation et la normalisation de la situation sécuritaire ne relèvent pas de l'illusion mais d'un fait parfaitement avéré. L'activité et l'animation nocturnes, celles des villes et des villages du pays, comme celles des routes départementales et nationales en sont le signe le plus probant. Le retour des étrangers, patrons, touristes et diplomates atteste ce changement positif dans l'état général et sécuritaire du pays.
Les raisons liées à la situation internationale de l'Algérie
Les doutes ne sont pas permis là aussi : la rupture de l'isolement international a vite été suivie par une levée, parfois discrète et parfois tapageuse, de l'embargo auquel était soumise l'Algérie. Cette dernière redevient une destination de choix pour les chefs d'Etat et de gouvernement et ses représentants sont accueillis à bras ouverts dans les capitales qui comptent et dans les grands forums internationaux. L'Algérie est, aujourd'hui, un partenaire crédible de l'Otan et l'Union européenne la sollicite dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen pour la mise en oeuvre de sa politique de sécurité et de défense.
D'une manière générale, les auteurs identifient, à travers une grille de lecture objective, les facteurs qui, de toute évidence, ont concouru puissamment à retarder ou à bloquer la réalisation des réformes. L'identification claire de ces facteurs - dont certains sont d'ordre systémique et renvoient à l'existence de très fortes pesanteurs sociologiques et culturelles et à des dysfonctionnements avérés observés dans l'activité des appareils de l'Etat - a permis aux auteurs d'obtenir une lisibilité plus grande des stratégies de contournement et de mise en échec déployées dès 1999 - de rendre plus visibles les acteurs qui portent ces stratégies et les exécutent ; - d'avancer un certain nombre d'hypothèses susceptibles d'expliquer pourquoi, drapés cyniquement et impunément des faux habits de la modernité et porteurs d'un discours mystificateur sur l'alternance, les droits de l'homme et les libertés, les défenseurs d'un statu quo mortel pour le pays ont pu s'opposer aussi longtemps à des changements jugés par tous comme étant absolument nécessaires et salutaires et enfin élaborer une stratégie qui soit à même de garantir la pleine réussite du second mandat et de mettre l'Algérie en position de relever avec succès les défis de la mondialisation, contexte ou le cadre global dans lequel il faut replacer, encore et toujours, toute politique économique et sociale. L'ouvrage rappelle l'exigence de l'insertion de l'Algérie dans la mondialisation qui appelle une stratégie efficiente d'adaptation, voire même une stratégie de survie, que des acteurs internes - et même externes au pays - perçoivent depuis des années déjà comme une menace majeure pour leurs intérêts. Cette stratégie d'adaptation de notre pays se déploie déjà à deux niveaux qui sont loin d'être en opposition l'un avec l'autre : d'une part, - un niveau multilatéral où agit comme force structurante et de régulation l'Organisation mondiale du commerce avec laquelle l'Algérie négocie des accords qui sont vraisemblablement sur le point d'aboutir ; d'autre part - un niveau régional, celui de l'Union européenne, dont la politique s'inscrit dans une stratégie d'intégration régionale totale et qui ambitionne d'organiser les espaces qui lui sont contigus - l'espace euro-méditerranéen entre autres - dans lesquels elle voit une source d'approvisionnement en énergie et en matières premières, un marché potentiellement porteur et une profondeur stratégique qui lui fait présentement défaut. D'importants développements montrent que deux autres niveaux font l'objet d'une volonté affirmée de déploiement ou de redéploiement de l'Algérie : -la sous-région du Maghreb dont on sait que la dynamique d'intégration est bloquée et qui est largement désavantagée dans la course à l'intégration mondiale ; qu'il s'agisse de l'Union européenne de l'OMC ou de tout autre cadre multilatéral, le Maghreb agit en effet non en tant qu'entité unique mais en tant qu'Etats mus par des intérêts spécifiques et purement nationaux ; -le continent africain qui vit les malheurs que l'on sait et dont les élites dirigeantes viennent de lancer une initiative, le Nepad, qui, menée correctement à son terme, lui permettrait de s'insérer dans la mondialisation selon des modalités moins contraignantes.
Sur un autre plan, les auteurs notent que la mise en oeuvre de toute stratégie d'adaptation nécessite le recours à des instruments de mise en oeuvre, qu'ils soient de nature politique, économique, législative ou autre.
Outre l'élaboration ou la construction des instruments en question, une exigence d'efficacité et d'efficience oblige à une définition précise des objectifs poursuivis et à l'établissement rigoureux d'une hiérarchie des priorités, éléments sans lesquels toute stratégie perdrait sa consistance et sa raison d'être.
Ainsi, sur le plan interne, les auteurs montrent clairement qu'il s'agira d'engager les véritables réformes politiques, économiques et sociales, réformes qui doivent impérativement toucher le système politique, centre névralgique de résistance au changement et à l'ouverture, -le secteur des hydrocarbures, source de rente et objet de toutes les convoitises, -le système financier et bancaire, nouveau centre de la distribution de la rente, -le système éducatif, centre d'élaboration et de diffusion de la culture et de l'idéologie de la résistance au changement et à la modernisation du pays. D'une manière générale, pour les auteurs, jamais les conditions n'ont été si propices pour sortir du cercle vicieux de la pauvreté impliquant des actions courageuses et hardies pour le redressement national, portées par des hommes convaincus des nouvelles mutations tant internes que mondiales. Sur le plan externe, la participation volontaire et active de l'Algérie à l'ordre international en construction a été appréhendée comme un objectif éminemment stratégique. L'isolement qu'a eu à subir notre pays jusqu'à 1999, ayant été efficacement rompu, le second mandat devrait être consacré à consolider son retour sur la scène internationale et à lui ouvrir de nouvelles perspectives.
Ainsi, en matière de relations économiques internationales, son action doit s'insérer dans le cadre incontournable de la politique d'intégration régionale poursuivie par nos proches voisins, cadre obligé de notre redéploiement et en même temps l'horizon indépassable de nos actions. La même démarche et le même souci dans le présent ouvrage ont prévalu en matière de diplomatie, de défense et de sécurité. La modernisation de l'appareil diplomatique et la redéfinition de ses missions en fonction des nouvelles données internationales, devront être une priorité. Par ailleurs, qu'il s'agisse de nos relations avec l'Otan, dans le cadre du Dialogue méditerranéen, ou de celles que nous pourrions nouer avec l'Union européenne, dans le cadre de la Politique européenne de sécurité et de défense (Pesd), notre volonté de nous impliquer dans ce qui se fait de décisif dans ce domaine doit être claire et constante.
La professionnalisation et la modernisation de l'ANP et des forces de sécurité qui seront en charge de la mise en oeuvre d'une doctrine de sécurité et de défense dans le cadre institutionnel multilatéral - sont, pour les auteurs, une priorité majeure.
Les auteurs ont été également attentifs aux nouvelles préoccupations de la communauté internationale et apporter notre contribution à ses attentes et à ses demandes dans des domaines aussi divers que ceux de la lutte contre le terrorisme international et la criminalité, la prévention et la résolution des conflits, etc.
C'est dans ce contexte, comme le montrent clairement les auteurs, qu'identifier nos erreurs et les assumer relève dès lors d'un acte de courage politique et participe d'une démarche de bonne gouvernance qui ne peut que favoriser une mobilisation plus large en faveur de l'entreprise de redressement national.
C'est à cette condition seulement que nous pourrons nous atteler, avec le maximum d'efficacité, à relever les défis qui nous sont lancés : ceux du développement, de la modernisation et de la démocratie et celui, plus difficile, de la conquête d'une place honorable au sein de la communauté des Nations. C'est aussi à cette condition que nous pourrons léguer à nos enfants et aux générations à venir un pays réconcilié avec lui-même, avec son histoire, son identité et son environnement.
(1) Sous la direction A. Mebtoul (docteur d'Etat - expert comptable, expert international) avec la collaboration de Chouam Bouchama (docteur d'Etat - économiste), Mohamed Taïbi (docteur sociologue en anthropologie culturelle), Mohamed Sabri, Youcef Ikhlef (diplômés en sciences politiques), Boutlelis Araf (cadre financier) Alger Casbah Editions - Alger livre 303 pages annexes (205 pages).


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