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Cette France qui nous boude
BIEN QUE LA BALANCE COMMERCIALE LUI SOIT FAVORABLE
Publié dans L'Expression le 12 - 04 - 2005

Après le prétexte politico-sécuritaire, les patrons français invoquent l'archaïsme du système financier algérien pour justifier leur frilosité à investir en Algérie.
Les chiffres définitifs des importations algériennes pour l'année 2004, donnent la France en première position en tant que pays fournisseur de l'Algérie. Le volume des importations venant de France a progressé de plus 97% depuis 1992. Entre 2000 et 2004, la progression a été de 2 milliards de dollars. Au total, la part de ce pays dans les importations algériennes est de l'ordre de 22,6 %, dépassant de très loin l'Italie qui, en deuxième position, fournit l'Algérie à hauteur de 8,53 % de ses importations globales. L'Allemagne, les Etats-Unis et la Chine talonnent l'Italie avec respectivement 6,90%, 6,15% et 5,02%.
Entre 2003 et 2004, les importations algériennes ont fait un bond de 34, 47 %, en progression de plus de 5 milliards de dollars, puisqu'elles étaient de 13,53 milliards de dollars en 2003 pour passer à 18,19 milliards de dollars en 2004.
Quant à la structure des importations, la palme revient aux biens d'équipements industriels et agricoles avec 7,23 milliards de dollars, soit 39,7% des importations totales. Les matériaux de construction et les demi-produits arrivent en seconde position avec 25,29% du total avec 4,60 milliards de dollars, suivis des produits alimentaires qui représentent 19,8% des importations avec 3,60 milliards de dollars et des biens de consommation avec 15% avec 2,76 milliards de dollars.
Le secteur automobile prend de plus en plus d'ampleur en représentant, en 2004, 1,4 milliard de dollars des importations de l'Algérie. Il y a lieu de signaler que dans ce créneau, les constructeurs français se taillent la part du lion, surclassant l'ensemble de leurs concurrents en affichant des progressions exponentielles de leurs chiffres d'affaires. A cela, il faut ajouter le déferlement sur le marché algérien d'innombrables autres produits d'équipement ou de consommation made in France qui permettent, dans une mesure appréciable, à des pans entiers de l'économie française de réaliser des bénéfices intéressants.
On ne se bouscule pas au portillon
La France qui tire un bénéfice certain du flux commercial algéro-français, semble décidée à maintenir ce type de relation qui fait de l'Algérie un bon client, sans avoir à faire un effort conséquent dans le sens de l'investissement. Et pour cause, malgré les discours de bonnes intentions des autorités politiques de l'Hexagone, les hommes d'affaires français placent leurs capitaux en Asie du Sud et en Europe de l'Est principalement. Et lorsqu'ils regardent en direction du Maghreb, ce sont les voisins de l'Algérie qui en profitent en premier lieu. Le dernier exemple en date est cette mission envoyée par Renault en Libye pour choisir un terrain d'assiette destiné à l'implantation d'une usine de montage automobile. Cette démarche intervient alors que l'Algérie passe pour être le premier client de ce constructeur dans la région du Maghreb. Plus encore, l'initiative de Renault est en porte-à-faux avec les déclarations de bonnes intentions des dirigeants français qui ambitionnent la signature d'un traité d'amitié avec l'Algérie dans le courant de cette année.
Autres exemples de désintérêt des milieux d'affaires français, d'abord leur absence d'engouement pour la vaste opération de privatisation lancée par les pouvoirs publics algériens sur les 1200 entreprises proposées à la vente, les offres françaises ne se bousculent malheureusement pas au portillon, et ensuite l'échec patent de l'opération de reconversion de la dette algérienne en investissements français. Ainsi, sur une valeur globale de plus de 5 milliards de dollars, la reconversion de la dette algérienne auprès du Trésor français n'a touché que 33 millions d'euros (45,6 millions de dollars). Lancé à grand renfort médiatique début septembre 2004, le «marché gagnant-gagnant», comme aime à le qualifier l'ancien ministre français de l'Economie et des Finances, Nicolas Sarkozy, ne semble apparemment pas constituer un intérêt particulier pour les entreprises françaises.
Adopté comme le mécanisme de gestion idéale de la dette publique, le principe de la reconversion de la dette détenue par les partenaires économiques de l'Algérie a été pendant longtemps un axe de travail prioritaire des différents gouvernements algériens. Cependant, il semble que cette démarche peine à trouver son chemin. En effet, la faiblesse des résultats obtenus, plusieurs mois après le lancement de l'opération, atteste du peu d'intérêt accordé au marché algérien en tant que destination d'investissement pour les entreprises françaises. Ces dernières ont réitéré récemment leur frilosité à s'installer en Algérie, invoquant pour ce faire, l'archaïsme du système financier du pays.
Ayant déjà fait plusieurs séjours en Algérie, sous la houlette du Comité Algérie du Medef international, de nombreux patrons français ont mis en exergue le caractère archaïque du fonctionnement des banques algériennes. Un état de fait qui, estiment-ils, ne favorise pas l'émergence d'un climat d'affaires à même d'amener les patrons français à s'impliquer sans réserve dans le processus de la reconversion de la dette algérienne en investissements directs. Cela dit, le souci de garder un pied en Algérie à travers des représentations légères et très peu coûteuses pour les opérateurs français, atteste d'une volonté de prendre une part, la plus importante possible, du «gâteau de la relance» qui se monte à 55 milliards de dollars.
Tourisme d'affaires
L'agitation du Medef a lieu alors que les visites très remarquées de délégations économiques de pays occidentaux se font de plus en plus nombreuses. Les patrons américains, belges et autres, ont montré un intérêt «sincère» pour un partenariat équitable avec l'Algérie. L'approche développée par les hommes d'affaires de ces pays, tranche sensiblement avec l'attitude des entrepreneurs français, qui voient en l'Algérie un vaste marché pour écouler leurs produits. Cette nouvelle donne est de nature à amener les opérateurs économiques de l'Hexagone à reconsidérer la nature des relations qu'ils ont avec l'Algérie, espère-t-on.
En tout état de cause, il est clair que la France politique n'est pas parvenue encore à convaincre la sphère économique à se joindre à une vision stratégique que le président Chirac tente de mettre en place en ce qui concerne l'Algérie.
Aussi, s'attend-on à ce que la signature du Traité d'amitié entre les deux pays ne soit pas accompagnée par des actions concrètes sur le terrain de l'investissement direct. Un paradoxe très français qui risque de coûter à la France la place privilégiée qu'elle occupe dans la région du Maghreb.
D'autant qu'en plus des Allemands et des Belges, les Américains et les Chinois donnent des signes évidents d'intérêt pour l'Algérie.
Cela dit, les patrons du CAC 40 et autres grosses pointures de l'industrie et des services ne donnaient pas cher de la réussite des privatisations de Sider et de l'Enad, pour ne citer que les plus médiatisées d'entre les opérations réussies, ou encore de l'ouverture du marché des télécommunications.
Les Heinckel, Ispat, Orascom et Watanya sont bien là pour prouver que l'investissement en Algérie est réellement porteur. Par ailleurs, des marques françaises prestigieuses comme Danone ou Michelin connaissent une croissance quasi exponentielle de leur chiffre d'affaires. Seulement, de pareilles initiatives sont l'exception qui confirme la règle. Aussi, les «remarques amicales» du Medef n'ont pour ainsi dire aucun sens. Et la dernière mission de prospection relève du tourisme d'affaires plus que d'une véritable intention de traiter d'égal à égal avec les opérateurs économiques algériens. Cet état de fait est d'autant plus vrai qu'entre l'Algérie et la France, il n'est, en principe, plus besoin d'organiser ce genre de show pour la simple raison que plusieurs ministres algériens avaient fait le déplacement à Paris et avaient tenu, à la virgule près, le même discours qu'ils ont servi à la très médiatisée délégation du Medef, laquelle devrait comprendre une bonne fois pour toutes, qu'avec ou sans l'apport d'investissement, «l'économie algérienne se relèvera de toute façon», comme l'a si justement souligné le chef de l'Etat, dans son discours devant les cadres de la nation.


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