Un paradoxe très français qui risque de coûter à la France la place privilégiée qu'elle occupe dans la région. Sur une valeur globale de plus de 5 milliards de dollars, la reconversion de la dette algérienne auprès du Trésor français n'a touché que 33 millions d'euros (45,6 millions de dollars). Lancé à grand renfort médiatique début septembre dernier, le «marché gagnant-gagnant», comme aime à le qualifier le ministre français de l'Economie et des Finances, Nicolas Sarkozy, ne semble apparemment pas constituer un intérêt particulier pour les entreprises françaises qui ne se bousculent pas au portillon. Adopté comme le mécanisme de gestion idéal de la dette publique, le principe de la reconversion de la dette détenu par les partenaires économiques de l'Algérie a été pendant longtemps un axe de travail prioritaire des différents gouvernements algériens. Cependant, il semble que cette démarche qui a réussi sous d'autres cieux, notamment au Maroc, peine à trouver son chemin en ce qui concerne notre pays. En effet, la faiblesse des résultats obtenus, plus de deux mois après le lancement de l'opération, atteste de l'incapacité du marché algérien à s'imposer comme une destination d'investissement pour les entreprises françaises. Ces derniers ont réitéré récemment leur frilosité à s'installer en Algérie, invoquant pour ce faire, l'archaïsme du système financier du pays. Réunis avant-hier, sous la houlette du Comité Algérie du Medef international, de nombreux patrons français ont mis en exergue le caractère archaïque du fonctionnement des banques algériennes. Un état de fait qui, estiment-ils, ne favorise pas l'émergence d'un climat d'affaires à même d'amener les partons français à s'impliquer sans réserve dans le processus de la reconversion de la dette algérienne en investissements directs. Cela dit, le Medef compte se rendre en février prochain à Alger, fort d'une très importante délégation. On n'hésite pas à qualifier l'événement d'historique. Le nombre de patrons qui y participeront sera, dit-on, sans précédent dans l'histoire des relations entre les deux pays. Seulement, nombreux sont les observateurs qui voient dans cet intérêt une volonté de prendre une part, la plus importante possible, du «gâteau de la relance» qui se monte à 50 milliards de dollars. Cette enième mission du Medef à Alger intervient, faut-il le signaler, quelques mois après les visites très remarquées de délégations économiques belge et allemande, qui ont montré un intérêt «sincère» pour un partenariat équitable avec l'Algérie. L'approche développée par les hommes d'affaires de ces deux pays, tranche sensiblement avec l'attitude des entrepreneurs français, qui voient dans l'Algérie un vaste marché pour écouler leurs produits. Cette nouvelle donne est de nature à amener les opérateurs économiques de l'Hexagone à reconsidérer la nature des relations qu'ils ont avec l'Algérie, espère-t-on. En tout état de cause, il est clair que la France politique n'est pas parvenue encore à convaincre la sphère économique à se joindre à une vision stratégique que le président Chirac tente de mettre en place en ce qui concerne l'Algérie. Aussi, s'attend-on à ce que la signature du Traité d'amitié entre les deux pays, ne soit pas accompagnée par des actions concrètes sur le terrain de l'investissement direct. Un paradoxe très français qui risque de coûter à la France la place privilégiée qu'elle occupe dans la région du Maghreb. D'autant qu'en plus des Allemands et des Belges, les Américains et les Chinois donnent des signes évidents d'intérêt pour l'Algérie.