Proche des milieux économiques et financiers français, ce météore de la politique hexagonale présente le double avantage de n'appartenir ni à la dominante tributaire de la guerre d'Algérie ni à aucun courant de gauche ou de droite. Annoncé en prime time par L'Expression, voici deux semaines, la visite du candidat à la présidentielle française Emmanuel Macron à Alger, aujourd'hui et demain, ne constitue pas une surprise. D'abord, c'est la troisième fois que Macron vient en Algérie, les deux fois précédentes ayant eu lieu en sa qualité de ministre de l'Economie. Cette visite doit lui permettre de «s'entretenir avec de hauts dirigeants algériens», indique l'entourage du candidat, qui s'est déjà rendu en Tunisie, en novembre, et au Liban, en janvier. C'est une visite «incontournable dans une campagne présidentielle», ajoute-t-on, eu égard aux «liens historiques, culturels, économiques et commerciaux avec la France». «C'est un pays avec lequel nous n'avons pas de partenariats formalisés, mais qui est pourtant un partenaire important», expliquent ses proches qui considèrent, en outre, qu'«il y a énormément de sujets à aborder, de possibilités de coopérations, en pensant notamment aux préoccupations sur la sécurité en Méditerranée». Très soucieux de la question sécuritaire et géopolitique, Emmanuel Macron veut saisir cette opportunité qui consistera à «s'appuyer sur l'Algérie et l'Egypte» pour renforcer l'Agence européenne des gardes-frontières et gardes-côtes (Frontex). Plusieurs rendez-vous sont inscrits à son agenda, avec le Premier ministre, le ministre des Affaires étrangères, la ministre de l'Education nationale, le ministre des Affaires religieuses et, pour la journée de demain, le ministre de l'Industrie et des Mines. Macron doit également participer à un Forum des chefs d'entreprise (FCE). Côté symboles, le candidat français déposera une gerbe au Mémorial des martyrs et se rendra également à la basilique Notre-Dame d'Afrique. Au menu des entretiens, figurera bien sûr la question centrale de la communauté algérienne, particulièrement ciblée par le discours islamophobe et extrémiste, nourri par les attentats qui ont endeuillé la France depuis novembre 2015. Proche des milieux économiques et financiers français, ce météore de la politique hexagonale présente le double avantage de n'appartenir ni à la dominante tributaire de la guerre d'Algérie ni à aucun courant de gauche ou de droite, n'ayant en campagne qu'un mouvement baptisé «En marche». Une symbolique claire à laquelle il devra, s'il est élu, apporter très vite des réponses concrètes pour prétendre disposer d'une majorité à l'Assemblée nationale, faute de quoi son élection serait un coup d'épée dans l'eau. Il n'est point besoin d'expliquer les raisons évidentes de cette visite en Algérie, Emmanuel Macron sachant que l'élection peut se jouer à quelques centaines de milliers de voix et qu'il y a en France 1, 1 million de citoyens d'origine algérienne, selon les dernières indications de l'Insee. Comme il ne peut pas non plus ignorer que la majorité de ces électeurs penche davantage à gauche, sauf situation exceptionnelle, comme ce fut le cas pour l'élection de Jacques Chirac face à...Le Pen. Dans le contexte actuel, le vaudeville électoral auquel a succombé la droite disqualifie par avance son candidat François Fillon, malgré tous ses efforts pour «encaisser et tenter de rester debout», l'expression est de Dominique de Villepin. Les sondages sont unanimes à donner un duel Le Pen - Macron au second tour de cette présidentielle 2017. Auquel cas, le réflexe du vote républicain ne sera pas à exclure, les Françaises et les Français n'ayant nulle envie de vivre l'expérience américaine dont nul ne sait comment elle va finir. Cela dit, enterrer la peau de l'ours avant de l'avoir tué est une option hasardeuse. La gauche, certes divisée, sans doute traversée par de nombreux courants contraires, ne me semble pourtant pas moribonde. On l'a déjà vu avec la primaire socialiste qui a mobilisé deux millions de votants. Et le candidat Benoît Hamon dont le discours avait fait vibrer les foules, particulièrement les plus jeunes, pourrait là encore créer la surprise. A cela, juste une exigence: celle d'un deal entre Hamon et Jean-Luc Mélenchon, porte-voix de la gauche radicale, qui a mis de longues années pour se départir du PS. La chose n'est pas gagnée car les courants de Hollande, Valls, Martine Aubry et Arnaud Montebourg feront tout pour brouiller les cartes alors que Benoît Hamon a dû mettre beaucoup d'eau dans son vin, ces jours derniers, au risque de décevoir une large frange de son électorat jeune. Une chose est sûre, le candidat qui accédera au second tour pour affronter Marine Le Pen sera le prochain président de la République française. Et, pour le moment, tout plaide pour un duel au sommet Macron - Le Pen. En ce qui nous concerne, la diplomatie algérienne a rarement trouvé dans les candidats venus en Algérie un partenaire idéal, exception faite pour Jacques Chirac dont «le partenariat d'exception» a malheureusement été torpillé par son propre camp politique. Un certain Nicolas Sarkozy, venu lui aussi à Alger promettre monts et merveilles, a réussi, durant sa mandature, l'exploit de décomplexer les milieux droitiers vis-à-vis de la période coloniale, promue par la grâce de ses rodomontades, en «oeuvre civilisatrice». Peut-être serait-ce le cas avec Emmanuel Macron, indemne des dogmes et des archétypes partisans qui minent la droite comme la gauche socialiste. Encore faut-il ne pas perdre de vue qu'il a fait ses armes à la banque Rothschild et qu'en la circonstance, mieux vaut conclure avec lui un arrangement qui correspond au mieux à l'âge de raison du couple algéro-français.