La sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne (British exit, «Brexit») et la victoire de Donald Trump, président atypique et iconoclaste, ont donné des ailes à l'extrême droite en Europe qui se voyait promise aux plus grands défis. Une extrême droite qui rêve éveillée à un accès au pouvoir au détour de la montée en puissance de l'extrémisme, l'islamophobie et le refus de l'Autre, dopés par un populisme «libéré» qui se voit [déjà] en charge des affaires en Europe. En fait, les extrêmes droites européennes surfent sur la crise migratoire, la montée du chômage, la récession économique, pour en tirer des dividendes et s'insérer dans le champ politique et/ou se placer en position d'éligibilité. Or, plusieurs pays européens préparent des élections qui pourraient être cruciales pour le devenir des partis politiques traditionnels. C'est le cas des Pays-Bas qui organisent des législatives en mars, l'Allemagne, au début de l'été, et singulièrement la présidentielle en France (23 avril-7 mai). Il faut admettre que deux évènements ont tiré l'extrémisme de droite vers le haut: l'afflux en 2015 des migrants, notamment syriens fuyant la guerre, et (surtout?) le coup de tonnerre du retrait de la Grande-Bretagne de l'Union européenne. La réussite du parti de l'Ukip [Parti pour l'indépendance du Royaume-Uni] de Nigel Farage de sortir le Royaume-Uni de l'UE avait fait école. L'extrême droite européenne y a trouvé sa substantielle moelle, galvanisée encore, si cela se pouvait, par la victoire du populiste Donald Trump. Aussi, les regards des Européens - politiciens, médias et citoyens - sont-ils braqués sur les Pays-Bas qui ouvrent la série de consultations électorales plus ou moins décisives pour la donne géopolitique européenne et sans doute au-delà. En effet, aux Pays-Bas, un raciste notoire - qui s'assume - le député d'extrême droite Geert Wilders, du parti «Liberté» (PVV) caracole en tête des sondages. Son programme? expulser des Pays-Bas les immigrés (particulièrement les Marocains) et les réfugiés, fermer les mosquées. La victoire de Wilders - qui se qualifie lui-même d'anti-islam - pourrait redessiner négativement la carte politique européenne. C'est dire l'attention qu'accordent les observateurs à ces joutes électorales qui, sans doute, donneront le ton aux prochains scrutins européens, notamment celui en France, dont la favorite - selon les sondages - en est la présidente du parti d'extrême droite [Front national] Marine Le Pen. D'ailleurs Mme Le Pen frétille dans ses starting-blocks dans l'attente du jour de vérité. Il faudrait toutefois nuancer cette dynamique de victoire d'une extrême droite qui, peu ou prou, s'est reconvertie au populisme - dans le sillage du triomphe aux Etats-Unis de Donald Trump - qui a encore beaucoup à prouver. C'est le cas en Autriche, où le FPO (parti d'extrême droite), a échoué, en décembre dernier, quasiment aux portes du pouvoir à Vienne, lorsque son candidat pour la présidentielle, Norbert Hofer, fut sèchement battu par l'écologiste Alexander Van der Bellen. Pourtant, ses homologues européens - avec lesquels il partage la même idéologie - comptaient sur une victoire de l'extrême droite en Autriche pour booster leurs propres chances. L'effet Trump n'a pas joué en Autriche. Entre-temps, l'extrême droite européenne a repris du poil de la bête, singulièrement après l'improbable avancée électorale du parti populiste «Alternative pour l'Allemagne» (AfD) qui remporta l'été dernier plusieurs scrutins régionaux, se payant le luxe de devancer la chancelière Angela Merkel dans son propre fief du Mecklembourg-Poméranie occidentale. Avec 21% des voix, l'AfD est devenu en effet une menace pour le CDU, parti de Mme Merkel, largement devancé (seulement 19%) lors de ces élections loin derrière le parti Social-démocrate, SPD, plus de 30% des voix. En s'opposant à la politique migratoire de la chancelière, l'AfD a rallié à lui tous les déçus du merkelisme. Du coup, Angela Merkel a révisé sa politique d'accueil, refermant les portes face aux réfugiés. En Hongrie, le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, et son parti le Fidesz, ont viré leur cuti, passant sans état d'âme de la droite classique à l'extrême droite, endossant ses idées et ses outrances sur les immigrés auxquels ils ont déclaré la guerre... C'est dire si les prochains scrutins électoraux en Europe constituent des baromètres, plus fiables que les sondages, sur l'avancée, réelle ou supposée, des idées extrémistes dans un continent tenté par le repli sur soi.