Bachar al Jaâfari, chef de la délégation syrienne, pour son 4ème séjour à Genève Dans les capitales hostiles au régime syrien, notamment au Moyen-Orient, on a vite fait de pointer du doigt la prétendue volonté de Damas de «saboter les négociations de Genève», au motif que Fateh al Cham a commis plusieurs attentats kamikazes à Homs... Quatre jours de discussions et pas un soupçon d'accord sur quelque sujet que ce soit. Les «pourparlers» de Genève 4 étaient minés d'avance par le nombre et le poids des divergences entre les deux délégations, l'une du gouvernement syrien et l'autre de l'opposition. Pourtant, le médiateur onusien Staffan de Mistura avait cru cerner les enjeux en proposant aux débats trois thèmes majeurs, la gouvernance, la nouvelle Constitution et des élections. Ces sujets figurent en effet dans la résolution 2254 du Conseil de sécurité adoptée en 2015, lorsqu'il était question encore de concrétiser les objectifs du processus de Vienne dont la Russie était alors le grand laissé-pour-compte. Depuis, il y a eu l'intervention de Moscou en septembre 2015 et le renversement de situation sur le terrain militaire, suivi, récemment, du cessez-le-feu et des discussions d'Astana, au Kazakhstan, parrainées par la Russie et l'Iran, alliés du régime du président Bachar al Assad, et la Turquie, soutien actif des groupes rebelles armés. Visiblement, la feuille de route onusienne pour trouver une solution politique au conflit ne trouve pas de consensus. La résolution 2254 évoque, par exemple, «une autorité de transition dotée des pleins pouvoirs exécutifs», dont Damas ne veut pas entendre parler car elle sous-tend l'exigence, aujourd'hui dépassée, du départ de Bachar al Assad et du transfert des pleins pouvoirs à cette autorité transitoire. Et cette première pierre d'achoppement conditionne tout le reste, car on voit mal comment pourrait s'opérer, dans de telles conditions, un changement de la Constitution. Les représentants de l'opposition et leurs mentors, Turquie, pays du Golfe et grandes puissances occidentales, comptent sur la Russie pour exercer des «pressions» sur le régime syrien et l'amener à accepter sur le tapis ce qu'il n'a pas voulu entendre au pire moment du conflit lorsque les groupes armés, y compris terroristes, avaient le vent en poupe. Echaudé par les expériences antérieures, de Mistura a placé la barre au plus haut, affirmant qu'il «n'y a accord sur rien tant qu'il n'y a pas accord sur tout» mais les données objectives n'incitent guère à l'optimisme, malgré les intenses efforts de la Russie et de la Turquie qui obéissent chacune à des intérêts bien particuliers. Dans les capitales hostiles au régime syrien, notamment au Moyen-Orient, on a vite fait de pointer du doigt la prétendue volonté de Damas de «saboter les négociations de Genève», en limitant les discussions au seul sujet du terrorisme depuis que Fateh al Cham a commis plusieurs attentats kamikazes à Homs. De là à susurrer que le régime syrien est «peut-être» derrière ces attentats, il n'y a qu'un pas que ces détracteurs n'ont pas osé franchir. Et pourtant, leur mauvaise foi est tellement vorace! Le fait est que, sur le terrain, la déroute des groupes armés, de quelque obédience qu'ils soient, est de plus en plus consommée. Cela implique que les discussions d'Astana ont une longueur d'avance sur celles de Genève qui constituent, bon gré mal gré, une démarche désuète alors que les grands sujets qui s'imposent aujourd'hui ont trait à la lutte contre le terrorisme, c'est-à-dire contre Daesh et Fateh al Cham, nonobstant quelques autres groupes de moindre acabit, le renforcement du cessez-le-feu conclu avant Astana dont les pourparlers revêtent désormais le cachet de la diplomatie pragmatique. Le conflit syrien est par trop complexe pour être abordé uniquement sous l'angle du différend entre le régime syrien et l'opposition, qu'elle soit politique ou armée. D'autres thèmes s'imposent de facto, la question kurde au nord du pays, violemment combattue par la Turquie, la guerre entre ces mêmes kurdes, secondés par des «Arabes» (?) et Daesh, la guerre qui oppose Daesh aux groupes rebelles dans diverses provinces et enfin la guerre qui déchire les mêmes groupes rebelles selon qu'ils sont salafistes et proches de Fateh al Cham ou islamistes radicaux et proches d'Ahrar al Cham! On le voit, le tableau est particulièrement sombre et bien malin serait celui qui saurait y trouver la voie salutaire. Une voie qui ne passe certainement ni par Genève ni par les capitales arabes mais bel et bien dans les coulisses des superpuissances qui, seules, peuvent entretenir le brasier ou décider, à tout moment, d'éteindre l'incendie. Après les tentatives d'un plan arabe, en janvier 2012, rejeté par Damas, puis de Genève I et du «Groupe d'action sur la Syrie», la même année, mort-né avec cette quête de la «transition sans Bachar al Assad», suivies de Genève II en janvier 2014 qui a vu le médiateur algérien Lakhdar Brahimi, successeur de Koffi Annan démissionnaire en 2012, jeté l'éponge face à d'insupportables «pressions», on a vécu le «processus de Vienne» bercé par des retrouvailles complices entre John Kerry, secrétaire d'Etat américain, et Sergueï Lavrov, MAE russe, et, last but not least, Genève 4 qui a trébuché sur des violations innombrables de la trêve conclue par Moscou et Washington. Le relais est désormais entre les mains du trio russe, iranien et turc, alors que des dizaines de milliers de combattants rebelles et des civils ont été évacués, notamment à Alep, vers la ville d'Idlib où se concentrent les efforts de la Turquie pour barrer la route aux prétentions kurdes, dans le nord de la Syrie et en Irak, avec l'éventuelle conjonction des forces du PKK. Bref, autant de données qui n'incitent guère à l'optimisme, au moins dans l'immédiat.