Après le non mais, le oui peut-être de Juppé Il va jouer son va-tout demain, au Trocadéro, selon que le soutien populaire sera massif ou poussif à sa candidature et à son discours de «combattant». Bien avant le 15 mars prochain, date de sa probable mise en examen, François Fillon est en train de vivre les affres du Titanic, avec les démissions de ses proches lieutenants qui abandonnent un navire que beaucoup jugent déjà en perdition. Et à 51 jours de la présidentielle française, les proches d'Alain Juppé affirment qu'après avoir exclu de participer au plan B, il est désormais prêt à remplacer le candidat de la droite, à condition qu'un appel unanime lui soit adressé et que Fillon se soit retiré de lui-même. Telles sont les conditions posées par le maire de Bordeaux qui n'entend pas se défiler face à ses responsabilités, lorsque celles-ci seront remplies. L'UDI, parti de centre droit, a pris ses distances avec l'actuel candidat, mercredi dernier, et l'hémorragie des soutiens s'accroît de jour en jour même, si François Fillon a tenu jeudi à Nîmes un meeting au cours duquel il eu des accents gaulliens pour mobiliser ses troupes et préparer ainsi le grand rassemblement du Trocadéro censé remettre les pendules à l'heure. Sauf que la mise en examen du candidat a vu même son trésorier et son porte-parole démissionner sans crier gare alors qu'un mouvement de parlementaires et d'élus locaux a lancé un appel pressant lui demandant de se retirer pour sauver les meubles. Alain Juppé, ancien Premier ministre et candidat malheureux au deuxième tour de la primaire, ne veut pas jouer au putschiste et refuse l'idée d'un soupçon de complot, conscient des réticences du camp Sarkozy à lui confier les rênes de la candidature. Car ses proches ont beau affirmer que «tous les Républicains sont derrière lui», les partisans de l'ancien président et Sarkozy lui-même ont la dent dure contre le chiraquien et lui préféreraient une autre solution, moins porteuse des rancoeurs qui existent entre les deux hommes et leurs courants. Les appels au retrait vont sans doute se multiplier au cours des prochains jours, au fur et à mesure que l'échéance de la mise en examen se rapproche. La démission d'un soutien inconditionnel comme Thierry Solère, organisateur de la primaire de la droite et du centre puis porte-parole du candidat, a eu l'effet d'un véritable coup de tonnerre dans la campagne de François Fillon, cloué au pilori par Dominique de Villepin qui, dans une tribune parue au Figaro, a écrit qu' «il ne peut plus être candidat, parce qu'il ne peut plus mener une campagne sur le fond pour défendre des idées et un idéal républicain et démocratique», avant de conclure qu'en se maintenant, envers et contre tous, il emporte «son camp dans une course vers l'abîme». La réaction prudente d'Alain Juppé constitue un pas en avant depuis qu'il s'est tenu à une «règle de loyauté» vis-à-vis du champion de la droite. Très sollicité par les ténors de son propre camp, mais aussi des figures du centre et des sarkozystes, Juppé aurait obtenu, selon des révélations du Parisien, hier, l'aval de Nicolas Sarkozy conscient que la Pression, déjà très forte, sur son ancien Premier ministre, va s'accentuer de plus en plus avant la date limite de dépôt des candidatures, le 17 mars prochain. Devant des militants chauffés à blanc, vendredi, Fillon s'est dit «un combattant» déterminé sauf que Dominique de Villepin a vu en lui «le combattant de lui-même». «Il n'est pas le combattant des valeurs de la France. Il n'est pas le combattant qui porte une ambition pour la France, parce qu'il n'en n'a pas les moyens», a-t-il observé. Dans un contexte socio-politique marqué par une rupture du contrat moral que Fillon avait cru bon de brandir avec les électeurs, le décompte des «lâcheurs de Fillon» auquel se livre avec délectation le quotidien Libération qui en a recensé une soixantaine ne signifie pas encore la fin de «M.Propre» mais cerne les contours d'une campagne devenue délétère avec la toute dernière décision du Parlement européen de lever l'immunité parlementaire de Marine Le Pen, candidate des «patriotes», également menacée de mise en examen pour des emplois fictifs. L'ampleur de ces scandales qui n'a d'équivalent que la démesure des programmes des deux représentants de la droite et de l'extrême droite, surtout vis-à- vis de l'islam et des communautés musulmanes, illustre la progression inquiétante du populisme partout en Europe et singulièrement en France. Dire que le président sortant doit se mordre les doigts d'avoir choisi, certes contraint et forcé, de se retirer de la course, au vu de ce spectacle est chose évidente. Sa candidature, avec tous les reproches qui lui auraient été faits à juste titre par toute la gauche, n'en aurait pas moins cristallisé l'adhésion d'une large frange de l'électorat séduit par sa politique socio-démocrate, voire hypocritement libérale. Derrière l'intouchable Marine Le Pen, donnée unanimement en tête par les sondages et talonnée par le surprenant Emmanuel Macron ni de gauche ni de droite, mais résolument ancré au centre, François Fillon va jouer son va-tout dimanche au Trocadéro selon que le soutien populaire sera massif ou poussif à sa candidature et à son discours de «combattant». Ayant choisi une stratégie de défense jusqu'au-boutiste, il ne peut décemment faire machine arrière et doit se laisser emporter par le courant, de moins en moins sûr, d'un parti lui-même sous pression. Dénonçant violemment les auteurs d'une cabale qui vise son «assassinat politique», il a pressé tous les supporters à une démonstration sans équivoque dont il pense qu'elle suffira à le dédouaner vis-à-vis d'une instruction judiciaire délibérément à charge et du coup il va tenter demain un ultime quitte ou double. Surtout que le temps presse pour jouer une autre carte et la majorité des responsables des Républicains en est maintenant consciente, ce qui explique que beaucoup se sont lancés sans attendre dans la collecte des 500 parrainages au profit de la candidature d'Alain Juppé, depuis l'appel solennel du député Georges Fenech. Les mauvaises langues vont plus loin, expliquant que l'heure n'est plus au recours à un plan B, mais qu'il faut, au plus vite, sortir le carton rouge pour se prémunir de la catastrophe annoncée tant à la présidentielle qu'aux législatives qui suivront de près le scrutin. On ne peut pas dire une chose à un moment et son contraire quelque temps après, c'est une attitude moralement et objectivement suicidaire, pensent désormais presque tous les ténors des Républicains qui n'ont plus qu'une idée en tête: comment virer François Fillon.