«Le pays n'a pas été libéré par une armée professionnelle mais par un mouvement de libération nationale.» «La grandeur et la justesse d'une politique et des courants qui la portent et des hommes qui l'expriment et leur légitimité consistent en définitive dans la prise de conscience de la spécificité nationale, de l'être national, son adaptation à l'évolution, aux exigences et aux contraintes actuelles ainsi qu'aux enjeux du futur et enfin sa traduction, ainsi sans cesse adaptée, en un projet politique qui prend en charge les questions du présent et ouvre les perspectives d'avenir», a indiqué hier le lieutenant-colonel Djamel Eddine Bouzeghaïa dans une conférence animée au Sénat dans le cadre des rencontres qu'organise périodiquement la chambre haute. C'est un homme très cultivé qui se cache derrière l'uniforme. Le lieutenant-colonel qui s'est félicité d'être ainsi le premier militaire à être invité et à s'exprimer au sein du Sénat soulignera toute la nécessité de toujours maintenir des relations solides entre la nation et son armée. «Le pays n'a pas été libéré par une armée professionnelle mais par un mouvement de libération nationale, le FLN et son bras armé l'ALN, qui ont su mobiliser toutes les forces saines de la nation contre l'occupation, contre le statut d'indigènes, contre l'exclusion socio-économique et contre le déni culturel et civilisationnel», dira le conférencier et qui mettra en exergue que la lutte antiterroriste n'a pu terrasser la bête immonde que par la mobilisation de la population. D'après lui, les efforts des forces de sécurité seules ne pouvaient suffire sans l'adhésion et le soutien des citoyens. Comment venir à bout de bandes de malfaiteurs à très forte capacité de nuisance, très mobiles sur un terrain propice et sur un territoire aussi vaste sans le soutien de la population? Et comment obtenir le soutien de la population sans revenir à l'esprit de Novembre et sans obtenir l'adhésion consciente des citoyens aux valeurs démocratiques et républicaines menacées par l'obscurantisme s'interroge le conférencier. Selon lui, partant de ce point de vue, la citoyenneté devient le cadre et la substance, l'exprimant et l'exprimé de la défense, car dira-t-il, ici comme ailleurs, la défense c'est essentiellement l'esprit de défense et que ce dernier suppose des citoyens éduqués, formés, solidaires, conscients des menaces et des risques qui pèsent sur leur sécurité, souhaitant vivre ensemble et déterminés à défendre les valeurs qui les réunissent et qu'ils partagent. Partant de ce constat, le lieutenant-colonel Bouzeghaïa affirmera que la réflexion sur la professionnalisation de l'ANP doit sauvegarder impérativement l'esprit, le fondement et le caractère citoyen de la défense. «La défense citoyenne comme concept novateur pourrait ainsi être retenue en lieu et place du concept de la défense populaire qui semble être dépassé», dira-t-il. Le conférencier donnera l'exemple de la débâcle de l'armée irakienne qui, d'après lui, retient deux enseignements, à savoir premièrement qu'aucune défense n'est possible dans un environnement régional totalement hostile. L'Irak, signalera-t-il, a finalement payé le prix de l'agression qu'il a menée contre l'Iran à la fin des années 80, et contre le Koweït en 1991 ainsi que les querelles avec le Baâth syrien et les Al Saoud en Arabie Saoudite. Deuxièmement, aucune défense n'est possible ni crédible sans l'adhésion consciente des populations concernées. Selon lui, s'il y avait réellement une résistance irakienne, la défaite ne serait que militaire et les Irakiens auraient évité la débâcle politique et morale sans précédent dans l'histoire. En revenant à l'Algérie, le lieutenant-colonel fera remarquer que l'histoire du pays est une succession d'invasions, mais c'est surtout une tradition séculaire profondément enracinée de résistance populaire à l'envahisseur et à l'oppression. Il rappellera les tentatives de la France après la découverte du pétrole à Hassi Messaoud, en 1956, de garder quelques enclaves de colonisation, mais surtout le Sahara algérien. Il dira que même les voisins tunisiens et marocains avaient exprimé des revendications territoriales sur l'Algérie. A ce sujet, le lieutenant-colonel Bouzeghaïa dira que l'Algérie, qui a payé un lourd tribut en vies humaines pour son indépendance, ne cèdera pas un pouce de son territoire, comme elle ne revendique pas non plus un pouce de territoire des pays voisins. Enfin, il y a lieu de souligner que le président de la commission de défense nationale, Abdelhamid Latrèche, au sein du Sénat, s'est félicité, pour sa part, que le Conseil de la nation est devenu un espace apprécié d'échange d'idées et un cadre pédagogique de choix pour la promotion de la culture parlementaire et qui constitue, d'après lui, un instrument d'ouverture sur la société et d'interaction avec ses composantes pour mieux répondre à leurs préoccupations et à leurs aspirations.