Je voudrais qu'on m'explique comment la mixité pousse à la violence dans les établissements scolaires. La mixité revient. Elle est au coeur d'un autre faux débat dans notre pays. C'est une conférence sur la violence à l'école qui aurait ouvert le sujet en soutenant que la violence à l'école découle de la... mixité. Où est-ce qu'ils vont chercher une telle argumentation? Je ne sais pas. C'est pourtant une conférence qui se dit sérieuse et scientifique de bout en bout. Mais à quel point peut-on être et rester sérieux lorsqu'on tient de tels propos? Dieu seul le sait. Je voudrais qu'on m'explique comment la mixité pousse à la violence dans les établissements scolaires. Et si c'était vrai pourquoi cela n'a-t-elle pas poussé à la violence dans les écoles (très mixtes pourtant) en Italie, en Espagne, en France, et ailleurs dans le monde? Sur un autre plan et si la violence dans les établissements scolaires était due à la mixité, qu'en est-il de la violence dans nos stades? Serait-elle due aussi à la mixité? Laquelle? En réalité, tenir de tels propos c'est faire dans le charlatanisme pur et simple et peu importe si l'on se présente avec un diplôme, un cache-poussière ou des tenailles à la main. S'il faut comprendre la violence qui caractérise les comportements de beaucoup de nos jeunes en ces temps difficiles, il serait utile, non pas de jouer à Freud qui veut tout expliquer par le sexe, mais de fouiller dans le passé proche de notre pays et dans son présent. Il y a suffisamment de facteurs qui pourraient expliquer mille fois - et avec une argumentation plus solide que le simple charlatanisme sans fondements - comment nombre de nos jeunes sont devenus violents. Les sociologues trouveraient mille raisons pour montrer comment ce phénomène est né dans notre société. Ils mettront à l'index les rapports sociaux bouleversés, interrogeront les repères perdus et convoqueront les déchirures sociales. Ils montreront du doigt la période noire que l'on nous a fait vivre avec des idées qui ne diffèrent pas de celle qui vient remettre le débat sur la table. Les psychologues pointeront les drames vécus. Ils remueront les souvenirs enfouis d'une peur difficile à surmonter, les images encore vivantes d'une scène atroce inoubliable ou le mélange d'émotion au sein d'âmes fissurées à longueur d'années. Les anthropologues ressortiront du tiroir poussiéreux des jours ces transformations lentes et pénibles d'une société qui ne sait plus où aller. Ils souligneront les faits marquants d'une histoire à soubresauts sur une longue période qui a vu des colonialismes, des guerres, des morts, des cortèges de misère. Et l'on peut faire appel aux économistes qui nous rappelleront la misère des sans-emploi, celle des laissés-pour-compte, celle des inégalités criardes. Ils nous parleront de la croissance qui ne veut pas être au rendez-vous, de l'inflation, de la vie de plus en plus difficile dans un pays qui ne veut pas produire et qui ne veut pas sortir de la dépendance des hydrocarbures que, pourtant, tout voue à la disparition comme facteur important dans le développement. Ils nous parleront de tous ces modèles de développements essayés sans succès chez nous depuis l'industrie industrialisante de De Bernis jusqu'à la substitution des importations. Les psychanalystes, pour leur part, nous parleront de l'accumulation de ces rêves arrachés. Ils nous parleront de cet écart incapacitant entre ce à quoi certains de nos enfants s'attendent et ce qu'on leur offre. La frustration serait alors un mot moteur de cette violence, pas le sexe ni la sexualité ni encore moins, la mixité. A moins de vouloir autre chose et de courir pour des desseins cachés, pointer la mixité pour expliquer la violence dans les écoles, c'est faire dans le délire carrément. Oui, dans le délire, surtout lorsqu'on n'a pas pris le temps de définir les concepts essentiels comme mixité, comme violence et comme école. C'est ce qui rend le débat totalement inutile et entièrement déplacé.