La tension persistait hier au Togo qui se prépare à la présidentielle maintenue pour aujourd'hui. De fait, le ministre de l'Intérieur togolais, Français Esso Boko avait créé l'événement vendredi en demandant outre la suspension du scrutin de ce dimanche, dans le même temps la mise en place d'une transition avec la désignation d'un Premier ministre issu de l'opposition. Cette sortie impromptue du ministre de l'Intérieur, intervenait à un moment critique alors que les manifestations atteignaient des pics et le pays en pleine ébullition. De fait, l'opposition qui crie à la fraude, soupçonne le pouvoir intérimaire de vouloir favoriser l'élection de Faure Gnassingbé, l'un des fils du président défunt Gnassingbé Eyadema, mort le 5 février dernier après un règne sans partage de 38 ans. Selon Esso Boko, le scrutin d'aujourd'hui est «un processus suicidaire», qui pourrait déboucher sur le «chaos» faisant référence aux manifestations qui ont lieu dans plusieurs villes et la montée crescendo de la tension dans le pays à l'approche du scrutin du 24 avril. Ne partageant pas «l'alarmisme» de son ex-ministre de l'Intérieur, le président intérimaire, Abass Bonhof, a déclaré que le scrutin aura lieu à la date prévue (le 24 avril). Dans une déclaration lue à la presse, au nom du président intérimaire, le ministre de la Communication, Pitang Tchalla, a en effet indiqué: «Le président de la République par intérim rassure la population et la communauté internationale que le scrutin (présidentiel) se déroulera dimanche prochain (aujourd'hui) comme prévu». Cette déclaration a été faite quelques heures après une conférence de presse impromptue au milieu de la nuit de jeudi à vendredi du ministre de l´Intérieur François Esso Boko qui a été immédiatement démis de ses fonctions. M.Tchalla ajoute: «Les forces de l´ordre et de sécurité ont pris les mesures nécessaires pour que l´élection présidentielle se déroule dans le calme et la sérénité. L´ordre public sera maintenu». La mort de l'inamovible président Gnassingbé Eyadema aura ouvert dans un pays sevré de liberté, une lutte farouche pour le pouvoir. De fait, la tentative de prise de pouvoir de l'un de ses fils, Faure Gnassingbé, s'est heurtée à une forte opposition nationale et internationale -et surtout au fait de la position de principe adoptée par l'Union africaine qui condamna sans nuance cette tentative de coup d'Etat par les militaires, en sanctionnant Lomé-, donnait le ton à la lutte qui faisait rage entre la coalition de l'opposition, qui présente un candidat unique, Emmanuel Bob Akitani, et les caciques du pouvoir togolais, du Rassemblement du peuple togolais, (RPT,ancien parti unique), unis derrière le fils cadet de l'ancien dictateur, Faure G Eyadema, candidat du pouvoir à la succession de son père. Ainsi, Faure Gnassingbé, adoubé par l'armée au poste de chef de l'Etat au lendemain de la mort de son père, le président Eyadema, et qui n'a pu s'y maintenir face à la levée de boucliers de l'opposition et la condamnation de l'UA, va tenter de revenir au pouvoir par le biais des urnes. Un troisième candidat, Harry Olympio, petit-fils du premier président du Togo indépendant, (Sylvanus Olympio, destitué et tué en 1963 par un coup d'Etat du général Nicolas Grunitzky, -lequel subit à son tour le même sort en 1967 se faisant révoquer par le général Gnassingbé Eyadema-) considéré comme un modéré, tentera de mettre d'accord tout le monde en raflant les suffrages. De fait, d'ores et déjà l'opposition menace et affirme qu'elle n'acceptera aucune victoire de candidats autre que celle de son «poulain» Emmanuel Bob Akitani. Ainsi, Jean-Pierre Fabre, secrétaire général de l'UFC, premier parti de l'opposition, hausse le ton et met en garde, déclarant vendredi: «Si comme dans le passé, le lendemain du scrutin, le régime annonce sa victoire, cela va très mal se passer». Selon M.Fabre, l'opposition organisera des «manifestations de rue si le candidat de la coalition, Emmanuel Akitani Bob n´était pas déclaré vainqueur», ajoutant: «L´armée fera ce qu´elle juge nécessaire de faire. Nous estimons que l´armée ne peut pas tirer sur nous». Soutenant l'opposition radicale, très critique envers Paris, l´ancien ministre français de l´Intégration, Kofi Yamgnane, -qui dispose aussi de la nationalité togolaise-, «soupçonne aussi fortement» la France de vouloir favoriser Faure Gnassingbé. «Sinon, dit-il, je ne comprends pas cette insistance à faire cette élection à cette date-là». Et M. Yamgnane d'avertir: «Je crois que Paris, déjà englué en Côte d´Ivoire, ne souhaite pas ouvrir un deuxième front au Togo. Or, c´est en refusant ce report de la présidentielle que le deuxième front va s´ouvrir». En effet, quoique se montrant discrète, après le fiasco de sa médiation en Côte d'Ivoire, Paris est suspecté de chercher à favoriser Faure Gnassingbe, dont le père était un ami personnel du président français Jacques Chirac. De fait, à l´exception notable du président Chirac, qui a salué en Gnassingbé Eyadema, «un ami de la France» et «un ami personnel», Paris s´est bien gardé de prendre les devants depuis. «La leçon ivoirienne a laissé des traces et a porté, c´est évident. La France évite maintenant d´apparaître en première ligne», note une source diplomatique à Paris. De fait, la France ne semble pas prête de faire son solde de tout compte avec l'Afrique, où elle laisse beaucoup de mauvais souvenirs, et reste très impliquée dans le continent noir comme le montrent les diverses crises traversées par de nombreux pays africains ces dernières années, dans lesquelles Paris est intervenue directement, comme en Côte d'Ivoire, ou indirectement, comme l'en accuse l'opposition togolaise.