La Première ministre britannique, Theresa May, va déclencher mercredi le processus de sortie de l'Union européenne, une première historique qui ouvre deux ans de difficiles négociations au résultat imprévisible. Le Royaume-Uni devrait ainsi se retrouver en 2019 hors de l'UE après le référendum du 23 juin 2016 qui a décidé du Brexit avec 52% des voix et laissé le pays profondément divisé, réveillant les velléités indépendantistes des Ecossais. Samedi encore, des dizaines de milliers de Britanniques ont manifesté à Londres contre le Brexit, à l'occasion du 60e anniversaire du club européen. L'activation de l'article 50 du Traité de Lisbonne, qui lancera la procédure de divorce, sera notifiée dans une lettre remise au président du Conseil européen Donald Tusk. Mme May pourrait annoncer au Parlement britannique, devant lequel elle s'exprimera mercredi, l'envoi de la missive. La veille, le Parlement écossais devrait voter une motion autorisant sa Première ministre Nicola Sturgeon à réclamer à Londres un nouveau référendum sur l'indépendance. Mme Sturgeon s'appuie sur le vote des Ecossais, à 62% pour le maintien dans l'UE, pour refuser d'être entraînée dans le Brexit. Mais Theresa May refuse qu'un tel référendum se tienne pendant les négociations de sortie, ce qui affaiblirait sa position. Elle souhaite une rupture «claire et nette» avec l'UE, avec sortie du marché unique, pour pouvoir limiter la liberté de circulation des immigrés européen, une des raisons principales du vote en faveur du Brexit. Au fur et à mesure que l'échéance approche, le scénario de négociations qui déraillent et laissent le pays sans accord est de plus en plus évoqué. Selon Anand Menon, du groupe de recherche «UK in a changing Europe», «il faudra beaucoup plus de temps, de bonne volonté et de tact que ce qu'on a vu des deux côtés». Il estime à 50% la probabilité que les négociations échouent, laissant le pays «sans filet de sécurité», exposé aux règles de base de l'Organisation mondiale du commerce, comprenant notamment des barrières douanières. Pour les économistes, la City ou les représentants de l'industrie, ce serait de loin le pire scénario. Mme May répète quant à elle que &mieux vaut pas d'accord qu'un mauvais accord». «Pas si effrayant que ça», a assuré aux députés mi-mars le ministre chargé du Brexit David Davis, europhobe convaincu, interrogé sur cette perspective, tout en reconnaissant que le gouvernement n'avait «pas calculé l'impact d'une sortie de l'UE sans accord». Quant au ministre des Affaires étrangères Boris Johnson, il déclarait ce mois-ci que ce serait «parfaitement OK». Côté UE, «tout est prêt» pour les négociations, avec en ouverture l'addition présentée à Londres pour tous les engagements pris dans le cadre du budget européen, un chiffre estimé entre 55 et 60 milliards d'euros par un responsable européen. «Quand un pays quitte l'Union européenne, il n'y a pas de punition, pas de prix à payer, mais nous devons solder les comptes, ni plus ni moins», a souligné mercredi dernier le négociateur en chef de l'UE, le Français Michel Barnier. Théoriquement, Londres pourrait ne pas payer, relevait un récent rapport des Lords britanniques, mais une telle décision constituerait une déclaration de guerre diplomatique. Les négociations vont donc porter sur le montant. Londres cherchera aussi à obtenir des garanties sur le sort des 1,4 million de Britanniques vivant dans les pays de l'UE, avec en monnaie d'échange celles qu'il pourrait accorder aux 3,3 millions d'Européens vivant au Royaume-Uni. Quant au plus gros morceau, les nouvelles relations commerciales entre Londres et l'UE, avec laquelle se font à peu près la moitié des échanges de biens, elles ne font pas à proprement parler partie des négociations de sortie et pourraient durer des années, ce qui a fait naître l'hypothèse d'un accord de transition. La rupture va mettre fin à plus de 40 ans d'une relation tourmentée, les Britanniques ayant toujours vu dans l'Union un marché économique et refusé l'idée d'une intégration politique. Elle pose un sérieux défi au club européen, qui a esquissé une réponse avec l'idée d'une Europe «aux rythmes différents» dans une déclaration adoptée à Rome samedi.