Le système judiciaire constitue le pivot d'un l'Etat de droit. Peut-on réussir des projets aussi ambitieux que ceux prônés par le chef de l'Etat tels que la réconciliation nationale et l'amnistie générale sans une justice équitable et sans discrimination? La réponse est assurément non. «L'organisation de la justice joue un rôle central dans la modernisation de l'Algérie, la démocratie et la bonne gouvernance», a déclaré Richard Erdman, ambassadeur des Etats-Unis d'Amérique à Alger. Une lapalissade. En effet, le succès de l'amnistie générale, en corollaire de la réconciliation nationale, est tributaire de certaines conditions dont «le triomphe de la justice et de l'égalité, le bannissement de l'injustice et de l'exploitation, le respect des libertés, la préservation des droits et la consécration de la culture de la cohabitation et de l'entraide, ainsi que la prévalence du dialogue sur les haines et les guerres et l'ouverture de la voie aux initiatives louables», comme le soulignait le président de la République, Abdelaziz Bouteflika. Les réformes de la justice sont, en effet, une nécessité requise par les mutations sociales, économiques et politiques de la société algérienne même si le chemin reste long et sinueux. Or, sur ce point, l'Algérie a entamé une profonde réforme de la justice. Son parachèvement est en cours, et le premier magistrat du pays en est convaincu, du fait que le système judiciaire constitue le pivot d'un Etat de droit. Cette réforme globale vise à doter l'administration des instruments adaptés et des moyens adéquats pour soutenir avec efficience le processus démocratique, l'ancrage de la bonne gouvernance, la modernisation de l'économie et la diffusion du progrès social. Le processus engagé ambitionne, en outre, la redéfinition de la nature-même des rapports de l'Etat avec la société et avec la sphère économique, ainsi que la généralisation de modes participatifs de gestion à tous les niveaux. Dans ce contexte, le rôle des juristes sera «de veiller à la bonne application du projet de l'amnistie une fois adopté par le peuple, et ce, à travers la force de la loi» dans son sens global et ses différentes interprétations et répercussions sur le niveau de vie du citoyen. Néanmoins, il faut auparavant, et c'est une condition sine qua non, que le citoyen retrouve confiance dans les gouvernants pour que le projet de réconciliation nationale et d'amnistie générale aboutissent. En effet, même si la société a renouvelé sa confiance au président de la République, il n'en demeure pas moins qu'elle est toujours méfiante envers les représentants de l'Etat et d'un système encore très bureaucratique miné à différents niveaux par la corruption et les passe-droits. Sur ce point, on ne peut sérieusement poser le problème de l'indépendance de la justice sans avoir au préalable clarifié les rapports devant régir les trois pouvoirs ; législatif, exécutif et judiciaire. En termes plus clairs, «la mise en place d'une nouvelle dynamique (qui) accompagne efficacement le fonctionnement, à tous les niveaux des rouages de l'Etat et de ses institutions», comme le rappelait le président de la République, restera sans effet, si en parallèle ne sont pas précisées les prérogatives de ces institutions et de façon systémique. Sans quoi, la réforme de la justice demeurera lettre morte, si en conséquence n'est pas abordée clairement la question de la séparation des pouvoirs. Ce qui devrait permettre d'attirer davantage d'investisseurs étrangers et de garantir le redressement économique tant espéré. De ce fait, l'indépendance de la justice demeurera un simple ballon de baudruche tant que l'Exécutif continuera à superviser l'action de la justice et à peser sur l'équité de ses décisions.