L'auteur de ce livre, préfacé par Bouteflika, adore les «polémiques», au risque de se faire lyncher médiatiquement. L'incorrigible, l'inénarrable Kamel Bouchama a encore récidivé. Après avoir tenté de prouver, avec plus ou moins de bonheur, que le FLN n'a jamais été aux commandes du pays, et qu'il ne mérite donc pas les critiques acerbes dont il est souvent la victime, cet ancien haut responsable de l'ex-parti unique, tente « bravement » de réhabiliter Mohamed-Chérif Messaâdia. Trois ans après sa mort, alors que les échos des slogans hostiles liés à son nom ne se sont pas encore éteints, Bouchama sait bien qu'il risque à son tour d'être voué aux gémonies. Il le dit si bien dans son prologue en écrivant, notamment, être «prêt à endosser la lourde responsabilité de tout ce (qu'il) écrit, malgré la crainte de cette malencontreuse manipulation médiatique qui pourrait trouver le terrain fertile pour, encore une fois, aiguiser ses couteaux contre l'ancien régime». Le président Bouteflika en personne, dans une remarquable préface, défriche déjà le terrain en mettant en avant les qualités humaines exceptionnelles de Messaâdia, mais aussi son sens élevé du patriotisme, qui l'a fait supporter stoïquement toutes les attaques et anathèmes jetés sur lui uniquement pour ne pas ajouter au trouble ambiant, et déstabiliser plus encore l'Etat algérien. Ce n'est donc pas un hasard si Bouteflika, qui revendique son amitié de toujours avec Messaâdia, même si des désaccords n'ont pas manqué de se faire jour entre les deux hommes, conclut sa préface en écrivant qu' «il (Messaâdia. Ndlr) a eu, comme certains d'entre nous, à faire son chemin de Damas et à l'assumer courageusement. Revenu aux responsabilités, j'ai tenu à le réhabiliter de façon spectaculaire - et à contre-courant de l'opinion publique générale - en le nommant à la tête du Conseil de la nation». Dans son livre, rondement mené, Bouchama explique d'abord comment s'est faite sa première rencontre avec celui-ci qui devait incarner par la suite le système algérien, avec toutes ses tares et ses lubies. Bouchama démonte point par point les accusations qui pèsent sur la mémoire de cet homme en rappelant tout d'abord son entreprise pour faire du FLN une force constructrice pareille à celle qui a permis la libération de l'Algérie, mais aussi qu'il a toujours été «un fidèle ami des jeunes». Messaâdia, contrairement à ce qui se dit sur lui, était également d'une rare probité, comme l'atteste l'auteur de ce livre. Bouchama, qui nous déclare avoir été toujours très proche de lui pour en apprécier l'amitié, le sens de l'honneur et l'intelligence, précise dans son livre que «Messaâdia, ce méconnu, ce mal-aimé, était tout à fait le contraire de ce tableau sciemment brossé par les spécialistes du mal». Mais pourquoi donc un pareil acharnement contre un homme que le premier magistrat du pays a personnellement réhabilité? Bouchama en parle et l'explique assez longuement dans la suite de ce livre époustouflant pour qui tant de choses restent encore à dire à propos des événements d'Octobre 88. Plusieurs anecdotes, que les lecteurs découvriront sans doute avec beaucoup d'étonnement, émaillent ce livre qui nous font découvrir la face cachée, quasi angélique, de cet homme secret, qui semble avoir tout sacrifié à son pays, y compris son image et sa réputation. Que l'on en juge... Messaâdia était l'un des rares, sinon le seul haut responsable, à avoir tiré la sonnette d'alarme, y compris auprès du président Chadli Bendjedid. Au lieu d'être écouté, tout a été fait au contraire pour que les ingrédients de cette explosion soient réunis. Le livre, qui ne se propose rien moins que de réhabiliter Messaâdia, le fait à l'aide de faits, de documents et de témoignages extrêmement dignes d'intérêt, et dont beaucoup apparaissent au grand jour pour la première fois dans ce livre incontournable, et à lire absolument. Kamel Bouchama Messaâdia, l'Homme que j'ai connu Préface de Abdelaziz Bouteflika Editions Anep 2005 275 pages