Le verbiage est fini, place au vote. Les Français élisent aujourd'hui leur chef de l'Etat. Ils auront le choix entre le «centriste», Emmanuel Macron [autour duquel se sont rassemblés, à la hussarde, des représentants de la droite et de la gauche] et Marine Le Pen, porte-drapeau de l'extrémisme français. L'enjeu est donc de barrer la route de l'Elysée à Marine Le Pen, et à son parti le Front national (FN). En réalité, le suspense est artificiel, car le nom du 8e président de la Ve République - qui sortira ce soir des urnes - ne fait aucun doute: ce sera Emmanuel Macron. Un Macron, nouveau chouchou d'une classe politique française - de droite comme de gauche - déboussolée à la recherche de sa survie. En fait, dans un scrutin un peu étrange où les partis traditionnels (Les Républicain, droite, et le PS, gauche) ont été laminés, les Français n'avaient pas en vérité le choix. Celui-ci a été fait pour eux: ce sera Macron, un président par défaut. Aussi, à moins d'un retournement, invraisemblable, Marine Le Pen n'a aucune chance de se voir ouvrir les portes de l'Elysée, en cette fin de journée. Or, si au plan strictement politique, il n'y a pas photo entre le néophyte Emmanuel Macron [qui n'a jamais eu de mandats électoraux] et l'expérimentée représentante du Front national [au-devant de la scène politique française depuis au moins une décennie] le contexte dans lequel se joue cette présidentielle française en a décidé autrement. Autant Marine Le Pen a forgé son parcours politique sur le terrain et son programme politique connu depuis des lustres (anti-UE, anti-euro, anti-immigrés), autant Emmanuel Macron, obscur banquier d'affaires (inconnu il y a deux ans), sorti quasiment du néant, se retrouve dans la posture de leadership et de sauveur de la France. En fait, des épisodes triviaux ont marqué une campagne présidentielle qui aura rarement atteint les hauteurs attendues de postulants à la magistrature suprême de l'Etat et qui ambitionnent de redonner à la France son aura passée. La France manquerait-elle à ce point d'hommes (et de femmes) à la stature d'hommes d'Etat? Les temps des De Gaulle, Mitterrand et autre Chirac semble bien révolus. En fait, le passage à la chefferie de l'Etat français de Nicolas Sarkozy (2007-2012), qui traîne derrière lui une flopée d'affaires de justice, ou du sortant et falot François Hollande, illustrent cette descente aux enfers de la classe politique française. Et ce n'est pas Emmanuel Macron et encore moins Marine Le Pen, qui sont en situation de relever le défi. Mme Le Pen qui, tout au long de sa campagne a joué sur les peurs des Français, a instrumentalisé l'immigration et l'islam à des desseins bassement politiques, se mettant d'elle-même en situation de repoussoir de l'électorat. Dans ce contexte, il est patent qu'Emmanuel Macron était (encore) le moins mauvais choix. D'ailleurs, le «rassembleur» de la France a étonné son monde en affirmant qu'il était «anti-système» alors qu'il est enfant et héritier du système. Sous la présidence de François Hollande il a été successivement secrétaire général adjoint de l'Elysée, puis ministre de l'Economie, fonction qu'il quitta pour se lancer à la conquête de la Présidence. M.Macron a aussi appelé les militants de droite et de gauche à le soutenir, tout en refusant qu'ils le fassent en tant que partisans. Ce que nombre de caciques de Les Républicains (droite) et du Parti socialiste ont accompli, à titre individuel, appelant à voter pour le candidat d'En Marche! De fait, la France semble entrer dans une nouvelle phase politique de laquelle les partis traditionnels seront, peu ou prou, exclus, du moins verront leur rôle réduit. Cette donne pourrait d'ailleurs apparaître dans toute sa dimension lors des législatives de juin prochain, où le futur président aura besoin d'une majorité de gouvernement. Aussi, la France se trouve-t-elle en pleine recomposition politique où le système partisan semble devoir céder la place à de nouvelles normes de gouvernance politique sous la direction, ou la supervision, d'acteurs économiques dominants. Venant du milieu économique et financier, Emmanuel Macron a fait la part belle, lors de sa campagne électorale, au libéralisme, à l'Europe, à l'atlantisme. Sa jeunesse même, rend cette transition de pouvoir plausible. Nous n'irons pas jusqu'à assurer que Macron élu, serait l'homme lige des milieux d'affaires, mais son indépendance (de décision) sera probablement limitée. Il reste en tout état de cause plus malléable qu'un vrai ténor de la scène politique, blanchi sous le harnais. Nous en saurons plus dans les 10 prochains jours et la passation de pouvoir entre le président sortant, François Hollande et son probable successeur, Emmanuel Macron.