Le score réalisé par Emmanuel Macron est époustouflant. Il accède à la course finale pour l'Elysée un an seulement après avoir créé son mouvement. Un front républicain vient de se former autour de lui pour barrer la route à l'extrême droite. Une nouvelle ère politique s'est ouverte dimanche soir en France. Les électeurs qui se sont rendus en masse dans les bureaux de vote (le taux de participation est de 78,69%) ont choisi, presque à parts égales, de porter le candidat d'En Marche !, Emmanuel Macron, et son adversaire du Front National, Marine Le Pen, qui seront au second tour prévu le 7 mai. Ils ont en revanche sévèrement disqualifié les représentants de la droite et de la gauche, qui ont été mis K.-O. dès le premier round. La sanction n'est pas négligeable. C'est la première fois depuis l'institution de la Ve République par le général de Gaulle que la droite ne sera pas dans la course finale à l'Elysée. De son côté, la gauche a réédité plus lamentablement le scénario de 2002 (elle avait été éliminée au profit du FN), avec un score encore plus lamentable. Benoît Hamon, qui a obtenu 6,5% des suffrages, a reconnu, d'ailleurs très rapidement après l'annonce des résultats, "une défaite morale". "Cet échec est une meurtrissure", a encore remarqué l'ex-ministre de l'Education de François Hollande. Tout aussi amer, le candidat de la droite a assumé publiquement la défaite de son parti. Arrivé troisième au classement avec un taux de succès à hauteur de 19,65%, François Fillon a toutefois pris une position victimaire, évoquant à demi-mots un complot fomenté contre lui pour contrarier son ambition présidentielle. Aujourd'hui, son leadership au sein des Républicains semble en tout cas remis en cause. Des cadres de la direction qui avaient dû le "supporter", pour permettre à leur parti d'arriver au pouvoir, jouent des coudes afin de lui succéder et se préparer aux législatives prévues en juin. Chez les socialistes, les adversaires de Hamon affûtent également leurs armes. La fronde sera vraisemblablement menée par l'ex-Premier ministre Emmanuel Valls, qui compte bien prendre sa revanche et ressurgir dans les travées de l'Assemblée nationale. Le pari semble néanmoins difficile car il n'est pas du tout sûr que la nouvelle composante de l'hémicycle soit ressemblante aux précédentes. Le rouleau compresseur de Macron est "En Marche". Il avance inéluctablement, déformant sur son passage le paysage politique. La carte de la présidentielle rendue publique à l'issue des résultats du premier tour le montre assez bien. Des fiefs traditionnels de la gauche et de la droite ont changé de couleur politique. Dans ces régions situées surtout à l'ouest de la France, l'ex-ministre a été plébiscité. Le soutien émane surtout des citadins (34,83% à Paris) qui croient en sa capacité de redresser la France. Pour ses partisans, Macron porte une vague d'espoir vitale au moment où le pays est confronté à une vague terroriste sans précédent. Il a par ailleurs une positive attitude qui tranche avec les discours alarmistes et déclinistes de ses concurrents. Sa jeunesse, sa fougue et sa liberté d'action hors des carcans partisans plaisent également. D'après une enquête réalisée par les instituts de sondage, le désir de changement est la principale motivation des électeurs de l'ancien ministre de l'Economie. "Il a eu une intuition juste sur le rassemblement et le renouvellement souhaités par les Français. C'est ce que le pays attendait, qu'il fallait faire cesser les clivages artificiels, lui l'a senti avant tous les autres", résume assez bien Richard Ferand, député socialiste et numéro 2 d'En Marche !. Gagnés par l'enthousiasme ambiant, des commentateurs politiques n'hésitent pas, pour leur part, à comparer Emmanuel Macron à Napoléon Bonaparte. À l'opposé de ce dernier, le candidat d'En Marche ! doit néanmoins attendre le verdict final des urnes. En apparence, le second tour se présente comme une formalité. Un front républicain a été constitué, comme en 2012, par la gauche et la droite pour barrer la route au FN. Cela suffira-t-il pourtant à empêcher Marine Le Pen de prendre ses quartiers à l'Elysée ? Tout en se drapant d'humilité, la candidate savoure néanmoins son succès. Elle a fait mieux que son père il y a 15 ans et compte ratisser large au second tour. À l'issue du premier tour, elle a adressé un message d'adhésion à la "France oubliée", celle des campagnes, des anciens pôles industriels et du sud où vit une forte communauté pied-noir. Son discours a également ciblé les électeurs de droite qui partagent ses idées mais n'osaient pas jusque-là voter pour elle. S. L-K.