Le président chinois Xi Jinping et son hôte américain, Donald Trump, lors de leur rencontre en Floride en avril dernier Donald Trump avait fait de la Chine un épouvantail de sa campagne électorale. Mais quatre mois après son arrivée au pouvoir, son administration a annoncé un accord avec Pékin, qui va acheter du boeuf et du gaz aux Etats-Unis, dans l'espoir de réduire un déficit commercial abyssal. Alors qu'il menaçait de droits de douane prohibitifs une Chine accusée de pratiques commerciales déloyales et de manipulation de devise, le président américain a nettement modéré son propos depuis son installation à la Maison Blanche. Après avoir reçu son homologue chinois Xi Jinping début avril en Floride, M.Trump prône désormais un rapprochement tous azimuts avec Pékin, dont il cherche l'appui dans l'épineux dossier nord-coréen. Le président-milliardaire avait promis lors du sommet un «plan d'action de 100 jours» pour renforcer la coopération sino-américaine: l'accord annoncé hier en signe les «premiers résultats», selon un communiqué commun. «Le fait que nous puissions accomplir de tels progrès en aussi peu de temps montre que nous pouvons viser une coopération encore accrue pour notre bénéfice mutuel», s'est félicité Geng Shuang, porte-parole de la diplomatie chinoise. A Washington, le ton était triomphal: «C'est une performance herculéenne. C'est davantage que tout ce qui a été fait dans l'histoire des relations commerciales sino-américaines», s'est exclamé le secrétaire au Commerce Wilbur Ross, cité par l'agence Bloomberg. A l'en croire, cet accord - qui couvre l'agriculture, l'énergie et les services financiers - permettra de réduire le déficit colossal des Etats-Unis avec le géant asiatique (347 milliards de dollars l'an dernier). «Je suis très, très heureux de voir comment nous procédons avec la Chine», a salué de son côté depuis l'Italie le secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin. Selon le texte, la Chine autorisera d'ici mi-juillet au plus tard les importations de boeuf américain. Certes, Pékin avait déjà annoncé en septembre une levée partielle de son embargo vieux de 13 ans sur la viande bovine des Etats-Unis (adopté en 2003 après les premiers cas d'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), également appelée maladie de la «vache folle»), mais la reprise des ventes était suspendue à une négociation entre les deux pays. L'accès aux importations chinoises, évaluées à 2,6 milliards de dollars, était jugé crucial pour les éleveurs américains et Washington en avait fait «une priorité». En retour, les Etats-Unis ont promis de retirer «aussitôt que possible» les barrières aux importations de volaille chinoise. Et Washington va accorder son feu vert aux entreprises chinoises pour qu'elles achètent du gaz naturel américain. Pékin confirme par ailleurs des ouvertures dans le secteur financier: le régime communiste autorisera d'ici mi-juillet l'accès aux agences étrangères de notation, suivant un projet déjà dévoilé en décembre. La Chine permettra également aux opératpaiement de s'enregistrer sur son sol, étape qui «doit conduire à un accès complet et rapide au marché». Suite à une condamnation par l'OMC, Pékin avait déjà annoncé en 2015 son intention de permettre à Visa ou MasterCard d'accéder directement à son gigantesque marché des cartes de paiement, sur lequel UnionPay conserve un monopole de fait. Signe de bonne volonté de l'administration Trump: Washington enverra demain à Pékin une délégation au sommet des «Nouvelles routes de la soie», cher au coeur de Xi Jinping. De même, les Etats-Unis assènent, dans l'accord, que les «investissements par des entrepreneurs chinois sont autant les bienvenus aux Etats-Unis que ceux d'autres pays», et ce en dépit d'une défiance persistante au Congrès envers les financements chinois dans des secteurs stratégiques. Les négociations vont désormais se poursuivre, assure-t-on de part et d'autre. De fait, l'accord dévoilé hier n'aborde pas les sujets les plus sensibles (acier, aluminium et pièces automobiles): autant de secteurs où Washington continue de lancer des enquêtes antidumping contre Pékin, au nom de la défense des «emplois américains».