Le nouveau président de la République française La bataille des candidats a d'ailleurs commencé dans nombre de circonscriptions, même si les états-majors ont tôt fait de brandir la massue de l'exclusion pour ceux qui oseraient franchir le Rubicon en scellant des alliances «scélérates». Le rituel de la passation a occupé hier tous les médias de l'Hexagone une journée durant, avec des commentaires et des éclairages parfois ubuesques, brodant sur les états d'âme du compagnon du policier assassiné sur les Champs-Elysées et ceux des enfants de la nouvelle première dame, Brigitte Macron. Mais le cérémonial a surtout été marqué par cet apparat quasi monarchique, conjuguant les scènes protocolaires incontournables et les images d'Epinal destinées à conforter l'homme dans son costume de «plus jeune président de la République française». Passons sur la dimension pathétique de la sortie du président François Hollande qui trouvera, heureusement, son lot de consolation dans le riche patrimoine que l'Etat, dans son immense générosité, réserve à ceux qui furent le premier magistrat du pays. Donc voici Emmanuel Macron en charge de la France pour un quinquennat qui s'annonce, c'est le moins qu'on puisse dire, mouvementé. Après la passe d'armes qui a agité, du jeudi au samedi, le MoDem de François Bayrou et la République en Marche au sujet des investitures pour les prochaines législatives, on sait que le nouveau président ne bénéficiera pas d'une période de grâce dés lors que le parti Les Républicains, à droite, le FN, sur son extrême, et les Insoumis, radicalement à gauche, ambitionnent tous de lui imposer une cohabitation. La bataille des candidats a d'ailleurs commencé dans nombre de circonscriptions, même si les états-majors ont tôt fait de brandir la massue de l'exclusion pour ceux qui oseraient franchir le Rubicon en scellant des alliances «scélérates». N'eût été la gravité de l'enjeu, on y trouverait matière à rire! Dans un discours ponctuant la passation de pouvoirs, le président Macron a voulu, évidemment, marteler ses certitudes et son engagement: «J'aurai, a-t-il dit, la volonté constante de concilier et rassembler» pour «rendre aux Français cette confiance en eux depuis trop longtemps affaiblie (...), relancer l'Europe en faisant en sorte que le pays retrouve «l'espoir et l'esprit de conquête». «Je ne céderai sur rien des engagements pris», a-t-il martelé pour souligner aussitôt que «le travail sera libéré», «les entreprises soutenues», «l'initiative encouragée». Et pour finir ce bref tour d'horizon sur son programme dont beaucoup de Français disent avoir une connaissance très incertaine, il a haussé le ton pour promettre que «l'Europe dont nous avons besoin sera refondée et relancée car elle nous protège», et que «les Françaises et les Français qui se sentent oubliés par ce vaste mouvement du monde devront se voir mieux protégés». Les conditions dans lesquelles s'est faite son élection, «par défaut» critiquent ses adversaires, font qu'il bénéficie d'une certaine bienveillance de la majorité des Français, par rapport à l'impopularité record du président sortant François Hollande qui a perdu toute aura, même dans sa famille politique, le Parti socialiste, en pleine dégénérescence. Conscient de cette donne, il entend aller vite pour faire passer les mesures les plus impopulaires comme la loi travail dont il entend réformer quelques aspects, malgré la fronde rencontrée en 2016 par le gouvernement Valls. Surtout, il veut imprimer sa faconde singulière au couple franco-allemand et, pour cela, il va rencontrer aujourd'hui même la chancelière Angela Merkel à laquelle il a adressé un signe éloquent en nommant l'ambassadeur de France en Allemagne, Philippe Etienne, son conseiller diplomatique. «A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire», écrivait Corneille, dans Le Cid. Emmanuel Macron a triomphé de l'extrême droite, donnée perdante dans tous les cas de figure. Mais il demeure ce jeune homme élu sans expérience électorale, sans parti politique structuré, sur un programme «ni de droite ni de gauche» et l'ambition d'une réforme en profondeur de la vie politique, dans un pays très fracturé, souffrant d'un chômage persistant(10%) et d'un état d'urgence tributaire de la menace terroriste qui perdure. Pour gouverner et appliquer son programme libéral, au plan économique et sur les sujets de société (sécurité, école etc), l'ancien banquier d'affaires et ministre de l'Economie du président Hollande a impérativement besoin de voir son parti La République En Marche triompher aux élections législatives des 11 et 18 juin. Ce qui implique d'avoir 289 députés sur les 577 de la législature pour sa seule et unique chapelle. La chose est loin d'être assurée. Restent les alliances improbables, le centre gauche de François Bayrou irrité par les nouvelles surenchères des dirigeants du mouvement En Marche et le Parti socialiste moribond étant les seuls à lui promettre une certaine indulgence. Pour y voir un peu plus clair, on attend avec un brin de curiosité le choix d'un Premier ministre, aujourd'hui même, puis la composition du nouveau gouvernement, une étape cruciale qui témoignera de son aptitude à rassembler.