Les bugs sont faits pour différer le propos, celui qui a torpillé le dernier envoi, sans plus... Le spectacle continue... Cannes a vécu un événement, la projection de Lemming du Français Domink Moll, heureux auteur en 2000 de Harry, un ami qui vous veut du bien. La veine hitchcockienne à laquelle a toujours été sensible ce cinéaste a, encore une fois, été convoquée... Les deux Charlotte, Rampling et Gainsbourg, ont été à la hauteur de cette comédie dramatique qui offre à André Dussolier, un de ses plus beaux rôles au cinéma. La thématique ( à ne pas confondre avec le thème) de Lemming tourne autour de l'idée que l'on peut décider un jour de vivre pleinement, ce que l'on croit ... «vivifiant» pour soi, au risque de sembler transgresser des convenances établies depuis la nuit des temps... Gilles Marchand coscénariste de Moll, avec lequel nous avions déjà eu l'occasion de mettre à l'épreuve une de ses règles favorites, lors d'un travail de coécriture (sur un scénario en devenir) : «Quand ton personnage est par terre, il faut cogner dessus» a bien mis cela en pratique dans ce film ... Les personnages ne sont pas du tout complémentaires, au service donc d'une histoire, mais entiers, au service de leur propre histoire. Le tout se confondant dans un scénario aux multiples tiroirs où Bergman et Sir Alfred (celui de Pas de printemps pour Marnie, bien sûr !)... Par contre le film de Hiner Saleem Kilomètre Zéro, le Kurde d'Irak (auteur d'un très poétique Vodka Lemon à Venise en 2003), a commis une oeuvre confondante de maladresses et qui a eu les honneurs (au caractère diplomatique un peu trop voyant) de la compétition... Un succédané de Kiarostami utilisé, surtout, à un moment du film, qui aurait pu être intéressant, lorsque le Kurde devenu soldat de Saddam, lors de la guerre Irak -Iran, est chargé de rapatrier un cercueil juché sur le toit d'un taxi... Le «martyr» sera le prétexte tout désigné, (et surtout la bannière irakienne qui le recouvre) pour Hiner, pour déverser une haine peu contrôlée qui empoisonne son film et qui trahit, d'évidence, la minceur de son histoire. Ce qui le fit tourner en rond, mais pas le public sorti un peu plus que désabusé de la projection... Les films qui se plantent dès les cinq premières minutes, sont ceux qui, invariablement, se font «contre»... Rani Mahgour fi Bladi se pourrait-être le titre d'une chanson chantée par un des personnages de la tragédie qui a marqué le bidonville d'El Haïcha (Hassi-Messaoud), il y a de cela quelques années... Mais à la sortie du film japonais Bashing de Masahiro Kobayashi, on serait tenté de croire qu'il s'agirait de la version algérienne d'une chanson d'un «raïman nippon», un Nasro du Soleil Levant quoi ... S'appuyant sur des faits avérés, le cinéaste japonais raconte l'histoire de Yuko, une jeune Japonaise victime d'un harcèlement qui s'apparente à un lynchage en règle, parce qu'elle a été simplement une otage en Irak! Eh, oui, même le Japon, diriez-vous... Dans cette descente aux enfers personne n'est épargnée, même son père, malgré ses trente années de service à l'usine est licencié parce que sa fille a eu la «mauvaise idée» de se laisser capturer du côté de Baghdad ! Sur un plan purement informel, le sujet recèle des «pépites» mais, cinématographiquement, l'absence de faille dans ce système répulsif, fait que les mots deviennent alors des murs... Aucun ne fait office de fenêtre ! On frôle l'asphyxie! «Le film n'est pas aussi fort que son sujet, le cinéaste forçant la note mélodramatique ; l'acharnement contre Yuko et ses proches finit par sembler mécanique et unilatéral», souligne à juste titre un critique français. D'où la nécessité de «maintenir grandes ouvertes les «écoutilles» quand on aborde un sujet qui parle de l'humain afin qu'il ne reste jamais étranger, selon la belle phrase de Noune... Delwende de Pierre Yaméogo, le Burkinabé, malgré un canevas, «assez relâché» au départ, se rattrape d'une incroyable manière dans la dernière demi-heure, lors de la visite de ce centre pour vieilles femmes abandonnées, pour boucler de fort belle manière un propos très intéressant sur l'inceste... Il serait judicieux de parler de l'Ovni Gus Van Sant qui a livré un film assez hermétique, à l'image de son héros, sans doute ami qui retrace avec élégance les dernières quarante-huit heures de Kurt Cobain, le légendaire leader du groupe Nirvana, mort d'une overdose dans un dénuement humain des plus radicaux... Mais, promis, on reviendra plus longuement sur ce film dans une prochaine livraison.