La campagne pour la première présidentielle pluraliste tourne à la démonstration de force pour le président sortant. Les Egyptiens sont appelés le 7 septembre prochain à élire, pour la première fois au suffrage universel, leur chef de l'Etat. Cette première a été rendue possible grâce à l'amendement apporté, en mai dernier, à la loi fondamentale du pays, permettant ainsi le pluralisme politique en Egypte. Mais un pluralisme qui risque fort d'être de façade face au verrouillage de la campagne par les partisans du président sortant. De fait, dans la presse, sur les écrans de télévision ou les publicités, il n'y en a que pour le «Raïs» assuré de remporter sur un fauteuil son cinquième mandat consécutif. Hosni Moubarak- 77 ans et 24 ans à la tête du pays des Pyramides - n'a en réalité pas d'adversaires à sa mesure. De fait, l'encadrement, outrancier de la campagne électorale par le pouvoir en place, et les partisans du Raïs, outre de montrer que l'on ne change pas les mentalités par un amendement, reste de mauvais augure pour la démocratie égyptienne, où l'expression indépendante est totalement absente, souvent étouffée. Ainsi, bannis des colonnes de la presse, des écrans de télévision et des espaces publicitaires, les opposants à Hosni Moubarak, au pouvoir depuis 24 ans, ont recours à la toile en tissant un réseau de contestation. Mais cela risque de rester de peu d'effet sur le résultat du scrutin dont personne ne doute de l'identité de son vainqueur. Dans cette campagne électorale un peu particulière, Hosni Moubarak doit faire cependant avec deux candidats assez sérieux, Ayman Nour, du parti Al-Ghad - qui peut se prévaloir d'avoir fait quelques jours de prison dans les geôles de Moubarak - et Noaman Gomaâ, du Wafd - qui a pour lui d'appartenir à un vieux parti libéral aux traditions bien ancrées - qui viennent toutefois avant l'heure alors que le système pluraliste égyptien demande encore à être rodé et éprouvé. Ce qui est loin d'être le cas, surtout lorsque les autorités égyptiennes refusent catégoriquement la présence d'observateurs étrangers, arguant que l'Egypte a les moyens d'organiser une consultation transparente sans l'aide de personne. Mais sur le terrain, c'est le contraire qui semble vrai, puisque les autorités n'ont même pas accepté la présence d'observateurs locaux à même de faire croire, un tant soit peu, à la sincérité et la loyauté du scrutin. Ainsi, la commission électorale n'a pas permis aux ONG égyptiennes de poster des observateurs dans les bureaux de vote. Ce qui a amené plusieurs d'entre elles à recourir à une chambre administrative pour la levée de cette interdiction. Les seuls observateurs autorisés en fait sont les magistrats. Or, ces derniers menacent de boycotter le scrutin si sa transparence et son indépendance ne sont pas garanties. De fait, les magistrats doivent décider le 2 septembre de leur participation ou non au scrutin présidentiel. En fait, les Egyptiens d'une manière générale, l'opposition et les ONG, plus particulièrement, ne se font pas trop d'illusion quant à cette première expérience pluraliste, qui sera riche cependant en enseignements pour le vrai départ du pluralisme en Egypte avec les importantes élections législative prévues en novembre prochain. Aussi, la présidentielle, au mieux, sera une répétition générale pour les législatives, auxquelles l'opposition fourbit déjà ses armes et qui pourraient être les prémisses d'une véritable ouverture du champ politique égyptien. De fait, la présidentielle du 7 septembre apparaît de plus en plus comme un remake des précédents scrutins présidentiels avec la différence, notoire certes, de la présence de neufs adversaires pour M.Moubarak, qui apparaissent plus comme des figurants que réellement des adversaires à même d'infléchir vers plus de démocratie les lendemains politiques de l'Egypte. De fait, les principaux courants politiques égyptiens comme les Nassériens (nationalistes) les marxistes du Tagamou' et le mouvement «Kafaya» (opposition démocrate apparue au début de l'année), appellent pour leur part au boycott d'un scrutin verrouillé à l'avance. De leur côté, les Frères musulmans, interdits mais tolérés, prenant à contre-pied les partisans du boycott, demandent à leurs adhérents d'aller voter le 7 septembre, mais pas pour le président sortant, Hosni Moubarak. Considérés comme la première force d'opposition du pays (17 députés «indépendants» sur 454), les Frères musulmans prendront donc part à l'élection présidentielle. Mehdi Akef, chef du mouvement, explique cette position en indiquant que le «programme électoral (de M.Moubarak) ne parle que du passé et de ses réalisations» soulignant dans un entretien au quotidien Sawt Al-Oumma: «Il est impossible que nous donnions nos votes à Moubarak, notamment à cause (du maintien) de l'état d'urgence.» Notons que le pouvoir a fait un geste envers les Frères musulmans en libérant, samedi, leur «numéro 2», Mahmoud Ezzat, emprisonné depuis quatre mois.