Face à une victoire quasiment assurée, la seule inconnue demeure le taux avec lequel sera élu le Raïs égyptien dans un vote pluraliste inédit. Trente-deux millions d'Egyptiens auront à désigner aujourd'hui le successeur du président sortant, Mohamed Hosni Moubarak. Un raïs qui est assuré de remporter sans problème un cinquième mandat d'affilée. Personne en Egypte en fait, y compris ses challengers à la présidentielle, ne doute un instant de l'issue du scrutin de ce 7 septembre, tellement la partie était inégale et le jeu joué à l'avance. De fait, le seul intérêt de ce premier scrutin pluraliste, au suffrage universel jamais organisé en Egypte, demeure encore le taux de participation, et celui avec lequel Hosni Moubarak sera réélu tant les chiffres officielles ont toujours été dénués de tout crédit. Aussi, un petit score, autour de 51% du suffrage serait humiliant pour un président qui règne, sans partage, depuis un quart de siècle sur l'Egypte, un score plus flamboyant (plus de 80%) accréditera le fait que le pluralisme n'est que de façade, que l'autoritarisme a encore de beaux jours devant lui, que le fait du prince demeure en Egypte une réalité. En fait, dans ce scrutin qui a tous les ingrédients d'une élection piège il n'y a pas de juste milieu d'autant plus que la présidentielle et son environnement (technique, médiatique et politique) a été verrouillé par le parti au pouvoir (le Parti national démocratique, PND, de M.Moubarak) qui a laissé peu d'espaces d'expression aux adversaires du président sortant. Si les Egyptiens sont passés du plébiscite (le président égyptien était élu par le Parlement, le peuple n'ayant plus qu'à entériner un choix sur lequel il n'avait aucune prise) à l'élection plurielle, cela est dû aux pressions extérieures, notamment américaines, pour libéraliser quelque peu le champ politique égyptien. De fait, Washington insistait surtout sur la forme, l'essentiel étant que les apparences soient sauves. Ce que résume benoîtement la déclaration du secrétaire d'Etat adjoint, chargé des questions européennes, Daniel Fried , qui déclarait hier dans un entretien au quotidien français La Croix que «(...) c'est une bonne nouvelle que les leaders du monde arabe, même ceux qui ne sont pas encore dans un système démocratique, se sentent obligés au minimum d'adopter la rhétorique, quelques unes des pratiques, et tous les signes extérieurs de la démocratie». Tout est dans cette précision: les signes extérieurs de la démocratie, même si cette dernière n'y trouve pas son compte. Dès lors, assurer les électeurs égyptiens que leur choix serait respecté ne coûtait rien au raïs égyptien, 77 ans, sûr d'étrenner dès ce soir son cinquième mandat de six ans après près de 25 ans de règne quasi absolu sur l'Egypte. Descendant dans l'arène, et haranguant la foule devant ses partisans, Hosni Moubarak, dans un dernier meeting, lance «Que celui qui me fait confiance (...) aille l'exprimer dans les urnes.» Mais le problème en fait, est que la réélection de Hosni Moubarak n'aura aucune signification politique et n'indiquera pas une évolution réelle par rapport à ce qui se faisait auparavant. La seule différence réside dans la présence, à tout le moins baroque en fait, de concurrents au maître du Caire tant la donne était dès le départ inégale et le jeu faussé car il n'y a eu la moindre incertitude quand à l'issue d'un scrutin joué d'avance et fortement encadré par les partisans du raïs et le parti au pouvoir. De fait, le PND du président Moubarak, qui écrase de son poids le Parlement, quadrille le pays par un réseau d'allégeances. Outre cela, les responsables des grandes institutions égyptiennes et les autorités religieuses (Mohamed Tantaoui chef d'Al-Azhar, le pape copte Chenouda III) ont appelé à voter Moubarak. Dès lors, espérer une mise en difficulté du président sortant relevait du miracle quasiment. De fait, le pluralisme à l'égyptienne est un pluralisme virtuel qui n'engage que ceux qui sont assez crédules pour y croire. Hier encore il était impossible de savoir si les observateurs égyptiens, qui ont obtenu gain de cause devant le tribunal administratif pour contrôler le scrutin, seraient autorisés par la commission électorale égyptienne à envoyer dans les bureaux de vote des délégués. En effet, ne tenant pas compte de la décision de justice, qui donnait raison aux ONG égyptiennes qui avaient déposé plainte, la commission électorale a décidé de l'ignorer tout simplement. Un accroc sérieux à la transparence du scrutin. De fait, les Egyptiens unanimes s'accordent à dire que le seul fait positif de la présidentielle reste la campagne électorale qui leur a permis de s'extérioriser, de vider leur coeur et dire ce qu'ils pensaient du règne de Moubarak. Une éclaircie dans un horizon politique qui reste en fait bouché.