Niki Karimi, que l'on dit nouvelle épouse d'un cinéaste iranien très en vue, ne fera pas de l'ombre aux candidats en lice. Non, ce n'est pas un remake de cette nuit américaine de Truffaut, mais «Une Nuit» de l'Iranienne Niki Karimi, contrairement à celle de l'auteur des «400 Coups», est loin d'être une leçon de cinéma. C'est une leçon de vie... D'aucuns rétorqueront, à juste titre, que le cinéma fait aussi partie de la vie. Vrai. Mais ici et pour cette jeune cinéaste à peine trentenaire, le cinéma permet de jeter un regard sur la vie pour mieux l'appréhender sans doute. «Une jeune employée de bureau habite avec sa mère dans un appartement exigu à Téhéran. Un soir, lorsqu'elle rentre du travail, sa mère lui demande si elle peut aller dormir ailleurs. Celle-ci erre toute la nuit dans la ville. Elle rencontre trois hommes, chacun avec une histoire différente». Un synopsis pareil, aussi concis que précis, vous incite à décrocher des autres sections, pour rallier, toute affaire cessante. Un certain regard où le film est programmé. Karimi, c'est cette jeune femme qui, lors d'un entretien télévisé accordé à une chaîne française, s'étonnait de l'hypocrisie de ses collègues, mâles surtout, qui filmaient des femmes avec le tchador sur la tête, même en intérieur !... Comédienne, ayant appris sur le tas sans avoir fait d'école, la cinéaste iranienne a tourné Une Nuit sans autorisation officielle. Du moins, elle détenait un papier mais pas forcément pour faire un film... Finalement, durant une vingtaine de nuits, entre 20 heures et six heures du matin, elle a baladé sa caméra dans les rues de Téhéran, au nez et à la barbe des censeurs et autres gardiens du temple. Et en 35 mm s'il vous plaît ! Mais rassurez-vous, il ne s'est pas trouvé un seul cinéaste à l'arrivée, pour prolonger ce débat «algérien» qui frappe d'exclusion ceux qui ne feraient pas partie du «cercle»... Au contraire, la profession a tout fait pour que le film arrive jusqu'à Cannes. Une lueur d'espoir, à l'image de ce dernier plan du film où les deux personnages regardent, avec un certain recul, la ville qui s'ébroue lentement de sa nuit, assistant à la naissance d'un autre jour... La Shéhérazade téhéranaise de Une nuit, et avec l'aube naissant, aura appris à comprendre encore mieux le bouillonnement qui agite sa ville (son pays?), ce tissu de mensonges, de violence, de misère sexuelle, qui constituent le bâti d'un vêtement, propre en apparence... «On dirait que mille et une histoires ont été dissimulées dans cette ville et nous en découvrons juste quelques-unes» ajoute la réalisatrice. Iranienne jusqu'au bout des ongles, bien faits d'ailleurs, Karimi a choisi de ne pas masquer hypocritement la beauté de ses personnages. Sa jeune actrice principale est une Ornella Mutti en puissance ! Son film mise irrémédiablement sur l'avenir, sachant que la chape de plomb jetée par les mollahs finira bien par fondre : le système ayant presque fini d'épuiser ses contradictions multiples... Pendant ce temps, au stand gouvernemental, on vous offre des gobelets de pistaches et le dossier de presse de une Nuit. Ah ! les pistaches viennent de la ville de Rasfandjani... Celle du plus important producteur/importateur (surtout vers les USA) de ces fruits secs, un certain Ali Rafsandjani ex et futur (sans doute) président iranien... Niki Karimi, que l'on dit nouvelle épouse d'un cinéaste iranien très en vue, ne fera pas de l'ombre aux candidats en lice. Elle ne sera d'aucun danger pour la jeune actrice de L'enfant des Frères Dardenne, Deborah François, qui «risque» de décrocher la timbale en même temps que son partenaire dans ce film, Jérémie Régnier, l'ange blond. Ce serait un parfait remake de Rosetta dans tous les sens d'ailleurs... S'il y avait un remake de palmarès il y aurait eu aussi une palme, sans aucun doute, à l'Israélien Avi Mograbi qui a présenté, dans une section non compétitive, un documentaire explosif sur le traitement infligé aux Palestiniens par Tel Aviv. Partant du Temple de Massada qui a vu des Juifs se suicider collectivement pour ne pas subir l'outrage des hordes romaines, Mograbi dévide un écheveau de... fil de fer barbelé. Tranchant ! Après Check Point, vu aux Rencontres de Manosque (et à ne rater sous aucun prétexte en juin pour ceux qui ont accès à Arte), voici un autre document de première main qui montre l'impasse suicidaire (donc mortelle pour tout le monde) dans laquelle Sharon pousse chaque jour un peu plus les populations palestiniennes. Mais que font les Arabes, que font les Occidentaux, que font les humains? La bestialité est en train de gagner cet espace géographique régi par le non-droit caractérisé, dicté par le plus fort... La pluie qui tombait sur Cannes, à la sortie du film, rendait le besoin de tendresse encore plus patent. Suscitant même le besoin de se lover dans l'humanité.