Il y a des semaines comme ça qui vous rappellent que la sphère culturelle prend des ailes et part semer la créativité sur les scènes de l'Algérie durant les soirées Ramadhan dont raffolent particulièrement les Algériens qui se mettent à sortir enfin en famille et apprécier un spectacle. Tenter d'expliquer pourquoi cela ne se fait que durant le mois de Ramadhan, c'est tenter l'impossible et oui, il y a des choses qui ne donnent aucune piste de sortie du tunnel. Mais heureusement ce point n'est pas notre propos pour une fois que deux monstres sacrés de la culture sont à l'affiche. Rachid Boudjedra, notre immense romancier et dramaturge, a été sacrifié sur l'autel de la bêtise et de la méchanceté certes, mais reste à nos yeux grand et digne et nous sommes sûrs qu'après une pause salvatrice, il réglera ses comptes avec les fils de la haine avec un bel ouvrage ou une pièce théâtrale. Il y a eu en fin de la semaine dernière, le retour de Slimane Benaïssa, notre talentueux dramaturge pour nous dire qu'il va reprendre la non moins célèbre pièce théâtrale Babor ghreq. Rien que pour entendre Slimane Benaïssa déclamer son fameux texte Djeddi, nous sommes prêts à faire la queue, par défaut, acheter le ticket au marché noir, bref, assister autant que possible à cette pièce interprétée par Sid Ahmed Agoumi, Slimane Benaïssa et Omar Gendouz avant que Abdelkader Tadjer nous fasse presqu'oublier le pourtant talentueux Agoumi. Babor ghreq fait partie de ce que nous avons produit de mieux au théâtre. La pièce a fait polémique à l'époque où l'effervescence politique n'était pas un vain mot, une réalité qui s'exprimait sur le terrain, avec des films, des essais et autres romans et avec de la chanson aussi. C'était une époque avant que le vent des fils de la haine n'envahisse la plaine avec des interdits. Interdire l'art, il n'y a que les islamistes qui sont capables d'une telle aberration. Il faut reconnaître que le pouvoir l'admet à peine. Vivement Benaïssa et, sur la lancée, une troupe théâtrale devrait penser à reprendre Hafila Tassir, ce sera un bel hommage à l'homme de théâtre qu'était Azzeddine Medjoubi; assassiné par les fils de la haine à proximité du TNA qu'il dirigeait. Nous aurons aussi une pensée pour le romancier égyptien Ihsen Abou El Koudous, auteur de la nouvelle. Autre retour, celui de Lounis Ait Menguellet que le public vénère et adore. Comme le messie, il leur donne rendez-vous une fois par an quand il a de nouvelles oeuvres lyriques à leur présenter. Son honnêteté ne lui permet pas de réchauffer son vieux répertoire, lui qui totalise déjà cinquante ans de carrière. «Louisa» une de ses premières chansons, a elle aussi un demi-siècle de vie et de succès. Ait Menguellet fait partie des rares chanteurs avec Maâtoub Lounès et El Hachemi Guerouabi à remplir les salles. Takfarinas et Hamidou sont capables de la même performance, mais pas plus, ce n'est pas le même challenge ni la même catégorie. Dans un compte rendu à la télévision nous avons constaté la ferveur du public lors du concert de Ait Menguellet à la salle Atlas et nous avons aussi entendu des jeunes de 12 ou 14 ans déclamer la belle poésie du chanteur. Incroyable. La performance d'un chanteur c'est quand il arrive à séduire plusieurs générations d'admirateurs. Lounis fait partie des rares chanteurs à réussir cette performance.