Une atmosphère lourde et préfigurant de tensions à venir, règne sur la Kabylie. Le refus de la démarche du pouvoir, cherchant à régler la dissidence citoyenne par une rencontre décriée par le Mouvement citoyen, a ranimé une flamme que l'on croyait appartenir au passé. Un passé, certes douloureux, mais qui a tendance... à frapper de nouveau aux portes de la Kabylie. Avec l'initiative de cette rencontre d'Alger, où le Chef du gouvernement discute avec des citoyens décriés par le mouvement issu du printemps noir, le pouvoir semble ne pas avoir eu la main heureuse. Dès le premier jour de cette rencontre, les «maximalistes» de la Cadc et du CIC de Béjaïa sont passés à l'action. El-Kseur et Tizi Ouzou ont renoué, certes avec moins d'ampleur, avec les échauffourées et l'effervescence. Les réactions des services de police, qui semblent, désormais, ne plus vouloir «rester» les bras croisés devant «les troubles de l'ordre public», ne manquent pas d'ajouter de l'huile sur le feu du chaudron kabyle. Plusieurs interpellations suivies de la mise en dépôt de jeunes ont été recensés tant à Tizi Ouzou qu'à El-Kseur où la recrudescence des émeutes a provoqué déjà, au moins 4 blessés par balles réelles et 7 autres par balles en caoutchouc. La Kabylie et, avec elle, pratiquement tout le pays se tiennent le ventre. Tous les ingrédients d'un remake des événements passés, sont là. Les franges modérées du mouvement citoyen, celles porteuses des aspirations de la base et représentant plusieurs coordinations, comme Bouzeguène, Illilten, Yattafen, Ath-Aïssi, rejoints par Iferhounène et le groupe dit des «14» drivé par les coordinations de Ouadhias, Boghni, Draâ El-Mizan, Tizi-Ghennif et Sidi-Ali Bounab, ont été la cible de tous les tirs. Une fois on les présente comme des «traîtres dialoguistes», une autre fois comme «peu représentatifs». En fait, leur quête est autre. Elle ne vise qu'à rendre ses lettres de noblesse au mouvement. Même si certains d'entre eux reconnaissent que «l'issue ultime de tout mouvement, c'est le dialogue», leur objectif immédiat était et est toujours le contrôle de la représentativité de chaque délégué. Entre ces délégués sus-cités et la Cadc une somme d'incompréhensions et une divergence de vision existent. D'où l'éclatement du mouvement en «modérés», qui rejettent la violence et l'émeute et certains animateurs de la Cadc qui semblent privilégier la voie de l'agitation et de la violence. Malheureusement, avec ses démarches, plutôt gauches, le pouvoir semble vouloir plus conforter l'aile radicale, donnant l'impression d'adopter la démarche menant au retour des émeutes. Il n'est pas question de jeter la pierre aux citoyens qui font montre de leur colère, comme il n'est pas question d'appeler au meurtre. La région ayant assez souffert. Mais, il est encore temps de prendre la seule décision à même de ramener le calme et la sérénité: l'acceptation de la plate-forme d'El-Kseur. Une décision qui, en principe, ne doit poser aucun problème à l'Etat, notamment s'il réaffirme sa volonté d'engager le pays sur la voie démocratique. En quoi la reconnaissance de tamazight, en tant que langue nationale et officielle et l'adoption d'un statut de martyrs aux victimes du printemps noir, entre autres revendications qui n'écornent nullement les deniers de l'Etat, posent-elles problème? Exsangue, vidée de son énergie, en passe d'être fuie par les «forces de l'argent», la région, de pilote qu'elle était, a dégringolé pour ne plus être qu'une des lanternes rouges dans le développement. Certes, des problèmes de toute nature existent, un peu comme partout dans le pays, notamment avec ce «changement de cap économique», mais, peut-être, car un peu plus politisée qu'ailleurs, les demandes démocratiques se font plus pressantes, mais ne peut-on pas réellement «joindre l'utile à l'agréable»? D'autant plus que ce qui est considéré comme agréable est, en fait, une condition sine qua non de la citoyenneté. Une citoyenneté qui veut être pleine et entière. La Kabylie pleure, le pays est sous le choc! Des choses ont été dites et faites par les uns et les autres et qui auraient gagné à... ne jamais voir le jour. En quoi la désolation, la ruine et la mort d'hommes sont-elles nécessaires à l'avancée de la démocratie? La question reste posée. Aujourd'hui, la Cadc appelle à une marche, «émaillée» de haltes devant le siège du tribunal et d'un sit-in devant le siège de la wilaya de Tizi Ouzou. L'objectif est de demander la libération des jeunes interpellés récemment et actuellement en détention à la maison d'arrêt de Tizi Ouzou. Pourvu que les «choses» se passent dans le calme et qu'une solution aussi juste que possible soit apportée à ce problème, comme à tous les autres, qui ne cessent «d'empoisonner» la vie du citoyen.