Faire de l'Algérie un pays producteur et exportateur Les décisions à même d'avoir un effet direct sur l'économie et lui impulser une dynamique à moyen et à long terme restent toujours otages d'un populisme d'Etat qui continue à se nourrir des réflexes rentiers. Il y a deux ans, s'est tenue à Alger une conférence internationale sur le développement du commerce extérieur. Cette conférence, organisée par principalement le ministère du Commerce et le ministère des Affaires étrangères sous le patronage du président de la République, a promis de redresser la balance commerciale du pays et faire de l'Algérie un pays producteur et exportateur. Cette conférence a même promis de faire de l'année 2017 l'année des exportations. Deux ans plus tard, bien des choses ont été faites aussi bien pour améliorer l'offre exportable du pays que pour exporter, mais les résultats restent très relatifs. En 2017, statistiques officielles aidant, il est aisé de constater que le nombre des importateurs stagne et celui des exportateurs augmente. Très longtemps, le cliché à travers lequel s'exprimait le scepticisme algérien le plus radical était la prolifération des importateurs et l'incapacité de l'économie algérienne à générer une offre exportable et à mettre en place une politique efficace pour sa commercialisation en dehors du pays. Aujourd'hui, la situation n'est pas très reluisante, la balance commerciale du pays continuant à pencher du côté des importations. Toutefois, l'augmentation significative du nombre des exportateurs et de la stagnation de celui des importateurs est pour le moins un signe positif qui peut constituer un point de départ pour une nouvelle vision de l'économie algérienne. Il est vrai que l'élément le plus important dans l'équation n'est pas le nombre des acteurs, mais le volume des échanges. Aussi le fait de constater un engouement pour l'activité d'exportation ne peut être perçu seulement comme un bon signe. Selon des statistiques livrées par le Centre national du registre du commerce, le secteur du commerce extérieur qui comptait 43.418 opérateurs en 2016 dont 41.788 importateurs et 1 630 exportateurs, a enregistré une grande reconfiguration. En effet, cette source indique que le nombre des importateurs a augmenté uniquement de 0,5%, soit 208 opérateurs alors que celui des exportateurs a enregistré une hausse de plus de 31% par rapport à 2015, soit une augmentation de 505 exportateurs, ce qui n'est pas rien dans un pays où, comme dirait le ministre de l'Industrie et des Mines, Abdessalem Bouchouareb, «on ne sait pas exporter». Ce bond positif est sans nul doute le fruit des efforts gouvernementaux qui ont tendu à, d'une part, limiter les importations pour mettre fin à la concurrence des produits importés et impulser la production locale mais aussi débureaucratiser la procédure d'exportation en supprimant les entraves que rencontrent les exportateurs. Dans ce sillage, il y a eu facilitation des procédures douanières qui se font désormais au niveau des entrepôts des entreprises exportatrices, Il y a eu également prolongement du délai de rapatriement des devises qui est passé de trois mois à 365 jours pour les exportateurs. La mise en place d'une cellule de suivi et d'accompagnement des exportateurs au niveau du ministère du Commerce a également été perçu comme un élément très positif en matière de promotion des exportations. Toutefois, pour utiles qu'elle soient, ces décisions sont insuffisantes et leur impact sur l'économie et le commerce est très limité. Exclusivement administratifs, leurs effets se traduisent à des niveaux secondaires dans la chaîne de l'exportation. Par contre, les décisions à même d'avoir un effet direct sur l'économie et lui impulser une dynamique à moyen et à long terme restent toujours otages d'un populisme d'Etat qui continue à se nourrir des réflexes rentiers. En effet, avec une monnaie surévaluée, un système bancaire rigide qui rend le financement de l'économie extrêmement difficile, la fermeture de plusieurs secteurs à l'investissement privé, y compris le transport maritime qui reste présentement dominé à 97% par les compagnies étrangères, l'existence du Conseil national d'investissement qui confère à «la liberté d'entreprendre» un caractère improbable, et la remet carrément en cause dans certains cas, etc. Tous ces problèmes qui constituent des obstacles asphyxiants pour l'économie algérienne restent toujours au stade de propositions même si plusieurs experts, y compris ceux proches du gouvernement et qui sont engagés par celui-ci comme des conseillers, comme c'est le cas de Alexandre Kateb, les recommandent inlassablement. Le gouvernement est donc, pour les mois et années à venir, appelé à faire preuve de plus d'audace pour en finir avec la dictature des hydrocarbures et promouvoir une économie diversifiée et capable d'exporter. Dans son Plan d'action, ce sont ces objectifs que se fixe l'équipe Tebboune. Mais il est fort à craindre que l'ex-ministre de l'Habitat qui a réussi son pari dans ce secteur, fasse la même chose et attende des résultats différents.