La question de la réforme des subventions pour aller vers un meilleur ciblage des couches défavorisées est si sensible que le Premier ministre entend y faire adhérer tous les partis. La réforme des subventions, qui bouffe plus de 27 milliards de dollars par an semble être dans les priorités du gouvernement. Celui-ci prévoit en effet de mettre en place de «nouveaux mécanismes permettant le ciblage efficace des catégories éligibles aux aides de l'Etat». Pour ce faire, Tebboune se veut original. C'est ainsi que, ne se contentant pas du soutien de ses ministres et de la majorité parlementaire, il compte entreprendre une large consultation avec l'ensemble des partis politiques, y compris ceux de l'opposition, afin de dégager, laisse-t-il entendre, «un consensus» sur la question. «Le gouvernement oeuvrera à lancer une large concertation impliquant le Parlement, les partis politiques et la société civile en vue de l'adaptation progressive de la politique des transferts sociaux, afin de lui apporter plus d'efficacité et d'efficience et d'asseoir une plus grande justice et d'équité sociales, à travers le pays», a indiqué Adelmadjid Tebboune lors de la présentation de son programme d'action. Mais, pourquoi donc veut-il associer la société civile et les partis politiques alors qu'il dispose d'une majorité parlementaire plus que confortable qui lui permet de mener sa politique sans controverses? Pour certains observateurs, cette démarche procède d'une nette volonté de partager le fardeau avec l'ensemble des Algériens tant la question des subventions est extrêmement sensible. Mais au-delà du partage de la responsabilité entre les acteurs politiques et ceux de la société civile, qui acceptera d'endosser les décisions du gouvernement dans un contexte de crise si ce ne sont ses alliés de toujours? Au RCD, on partage la nécessité de réformer la politique des subventions qui coûte des fortunes au Trésor public sans nul effet positif sur l'économie nationale, mais aussi parce qu'elle représente une forme d'iniquité qu'il convient de réparer. «Il n'est pas normal qu'un ministre et un simple citoyen achètent le sachet de lait au même prix», explique Yassine Aissiouane, chargé de communication du parti qui estime qu'il est urgent d'aller vers un meilleur ciblage en matière de transferts sociaux. Toutefois, M.Aissiouane ne se fait nulle illusion quant à la pertinence de la démarche du gouvernement. «Pour l'instant, le gouvernement n'est qu'au stade du slogan», indique-t-il. Pour le Parti des Travailleurs, la réforme du système des subventions est un choix impertinent et qui ne répond à aucun enjeu particulièrement intéressant. Bien au contraire, elle constitue un voile de poussière destiné à dissimuler des questions autrement plus importantes. «Abdelmadjid Tebboune a déclaré que le gouvernement est attaché au caractère social de l'Etat algérien. Ce caractère social est le fruit de notre révolution et il faut absolument le sauvegarder. De notre point de vue, les subventions sont une expression directe du caractère social de l'Etat. 82% des salariés touchent un salaire mensuel inférieur à 40 000 DA. Ce sont les classes défavorisées qui en bénéficient en grande partie. Si le gouvernement veut plus d'équité, il n'a qu'à instaurer l'impôt sur la fortune et opérer une révision fiscale profonde. Il est quand même scandaleux que l'Impôt sur le revenu global dépasse, pour l'année 2016, l'Impôt sur les bénéfices des sociétés. Ce sont les salariés qui paient plus que les entreprises. C'est une grande anomalie que le gouvernement se doit de régler le plus vite possible», nous déclara Ramdane Taâzibt, numéro 2 du PT, en soulignant qu' «aller vers le ciblage des subventions, c'est aller vers la solution de facilité. Le gouvernement doit agir sur les exonérations fiscales et parafiscales octroyées au patronat sans que celui-ci ne présente des bilans. Et recouvrer l'équivalent de120 milliards de dollars d'impôts non recouvrés». L'autre parti à réagir sur la question de la réforme des subventions en allant vers un meilleur ciblage, c'est le MSP. Selon Naâmane Laouar, député du parti, il est nécessaire d'aller vers un meilleur ciblage en matière de subventions, car, l'argent de l'Etat part souvent vers des destinations inconnues. Mais la question est plus complexe qu'elle n'en a l'air selon lui. «Le problème qui se pose pour le gouvernement actuel est un problème de finance. Or, ce problème financier existe parce que la politique économique du gouvernement, si politique il y en a eu, a toujours été foireuse. Par conséquent, il ne faut pas dissocier la réforme du système des subventions de la réforme globale de notre économie,» nous a-t-il expliqué avant de mettre le doigt sur le côté politique de la démarche gouvernementale. En effet, indique-t-il, «la réforme des subventions revêt un caractère social très important et y toucher, c'est s'attendre nécessairement à des remous sociaux qui peuvent être importants, ce qui a poussé le gouvernement à vouloir partager la responsabilité en la matière avec «tous les acteurs politiques». Autrement dit, Naâmane Laouar considère que «le gouvernement veut mordre l'épine avec la bouche de l'opposition».