Les Oranais, usés par un ramadan épuisants, ont jeté leurs derniers « douros » dans les achats de l'Aïd. Vaincus par le regard attendri des enfants, ils ont fini par chasser leurs hésitations pour se ruer sur les boutiques. Certains chefs de famille n'ont eu, comme derniers recours, pour satisfaire les désirs de leurs enfants, que celui d'hypothéquer leurs bijoux. Ces derniers jours, l'agence BDL, spécialisée dans le prêt sur gages, n'a pas désempli. Des grappes d'hommes et de femmes s'agglutinent très tôt le matin devant son imposante porte d'entrée. Certains rusés ont repris le réflexe d'antan en proposant la vente de leurs places dans les chaînes qui se forment chaque jour. Une place parmi les 5 premières a été proposée à 1000 DA, voilà une semaine. Une fois ce passage par le Mont de piété effectué, on part à l'assaut des vitrines du centre-ville et des étals des grands marchés. Les ingrédients pour gâteaux sont la spécialité du marché informel de la cité Yaghmoracen. Les lieux, qui accueillent la station de taxis qui desservent Maghnia et la frontière Ouest, sont devenus un vaste espace de négoce squatté par les trabendistes spécialisés dans «l'introduction» de cacahuètes, de noix de coco, d'amandes et autres ingrédients servant à la préparation de gâteaux. De l'avis de bon nombre d'Oranais, l'endroit n'est qu'une grosse arnaque car entre les prix qui y sont pratiqués et ceux du centre-ville, il n'y a pas une différence attractive. Passée cette corvée, l'achat d'habits neufs pour les enfants devient une fatalité à laquelle on ne peut échapper. Là, c'est une autre grande arnaque. Plusieurs commerçants, qui avaient l'habitude de s'approvisionner chez les «beznassa» des filières espagnole, turque et syrienne ont trouvé une astuce fort simple pour gonfler leurs gains. C'est simple et élémentaire diront certains, mais c'est une forme de vol et une supercherie passibles, sous d'autres cieux, de sanctions. Des commerçants ont vidé les étals des friperies. Ils ont acheté tout ce qui paraissait neuf. Une fois lavés et repassés, ces vêtements, qui ont fait leur temps ailleurs, sont revendus à des prix prohibitifs à des citoyens crédules. Appâtés par les prix et blousés par la publicité du commerçant, ils repartent chez eux avec le sentiment d'avoir réalisé l'affaire du siècle. Cette façon d'agir de certains commerçants sans scrupules a poussé des propriétaires de magasin de prêt-à-porter à montrer des signes d'exaspération et à déclarer qu'ils feront tout pour que cesse cette concurrence déloyale à plus d'un titre. «Ce sont des voleurs. Nous payons très chers nos produits, nous payons nos impôts, les charges de gestion de notre activité et en plus, on se fait blouser par ces escrocs. Il faudrait que cela cesse et le consommateur doit être vigilant et ne plus accepter cette supercherie», dira un commerçant de la rue Larbi-Ben M'hidi, spécialisé dans la vente de vêtements pour enfants importés de Turquie, d'Espagne et de Syrie. L'Aïd est à nos portes, les bourses des ménages se sont vidées, ceux qui ont fait des affaires se frottent les mains, les enfants s'apprêtent à parader, alors que les adultes jurent qu'ils ne se feront plus prendre. Mais ces propos ne sont finalement que des paroles en l'air, car au Ramadan prochain, ce seront la même boulimie, la même frénésie, les mêmes envies qui nous enverront encore une fois à l'assaut des étals sans état d'âme et sans regard aucun à notre prochain.