Huit mois après la tragique mort du jeune Massinissa dans les locaux de la brigade de gendarmerie de Beni Douala, ce parti apparaît bien comme la seule force tranquille en Kabylie, celle en tout cas qui n'a pas dilapidé son capital confiance dans cette région. Non seulement le parti d'Aït Ahmed a été le seul parti qui a pu organiser deux marches impressionnantes au mois de mai à Alger et Tizi Ouzou, mais encore il a gardé un contact permanent avec le mouvement citoyen par le biais de ses militants, dont certains sont membres de plein droit des «ârchs». Malgré ce qui a pu être écrit ici ou là sur la perte de vitesse du FFS dans son fief électoral, la réalité est tout autre, puisque loin de répondre aux appels des sirènes qui ont voulu l'entraîner dans des culs-de-sac, il a su rester fidèle à sa ligne, celle qui est pratiquement la sienne depuis des décennies, et qui consiste à dénoncer l'usurpation du pouvoir et de réclamer le retour à la légitimité populaire. En fait, les pièges sont nombreux, notamment ces derniers mois, au cours desquels la surenchère le disputait à l'invective et aux appels à la violence. Tout en appuyant les revendications citoyennes contenues entres autres dans la plate-forme d'El Kseur, le FFS n'a jamais cédé aux appels du pied de ceux qui auraient voulu l'amener à sortir de son rôle traditionnel. Respectueux de la légalité républicaine, tout en demeurant un parti d'opposition qui n'accepte aucune compromission, il a su déjouer les pièges de ceux qui auraient aimer l'entraîner sur des pentes dangereuses. On l'a même vu annuler sine die une marche qui s'annonçait grandiose à Tizi Ouzou, car il pressentait qu'il y aurait des dépassements qui risquaient de le mettre en porte-à-faux par rapport aux lois de la République, voire en marge de la légalité. C'est la différence qui peut exister entre un mouvement sous-encadré, et un vieux routier comme le FFS qui sait séparer le bon grain de l'ivraie, c'est-à-dire ici l'essentiel et l'accessoire. Un encadrement aguerri comme celui du FFS peut sacrifier des petits gains conjoncturels pour sauvegarder les profits d'une action à long terme. En d'au- tres mots, les petits calculs politiciens à courte vue, ce n'est pas son genre. Cela dit, il faut savoir que depuis le mémorandum envoyé aux décideurs (deux généraux et le président de la République) le FFS s'est fait plutôt discret, adoptant une attitude de réserve dans les wilayas du centre touchées par les événements du printemps noir. Mais M. Djeddaï tient à affirmer que son parti n'a jamais été absent de la scène politique. «Sans chercher à encadrer le mouvement citoyen (M.Djeddaï récuse le terme archs), nous l'avons toujours accompagné. Car c'est notre rôle d'être toujours présents au sein de la société.» Et M.Djeddaï de rappeler que son parti n'a jamais cessé, entre autres, d'organiser des meetings et d'animer des conférences, dans les différentes communes et daïras des régions Centre. Pour le FFS, affirme M Djeddaï, le problème réside dans l'usurpation de la souveraineté populaire par les seigneurs de la guerre. «Notre combat vise le retour à la légitimité des institutions. Nous travaillons pour que la politique reprenne ses droits.» Quant à la rencontre entre M.Benflis et les «dialoguistes», le premier secrétaire du FFS estime que c'est un non-événement. «On ne s'y intéresse même pas.» M. Djeddaï croit deviner que le pouvoir acceptera dans le détail et la globalité la plate-forme d'El Kseur, «car ce qu'il cherche, c'est d'amener les populations du Centre à ne pas boycotter les élections». En d'autres termes, pour faire passer son projet de nouvelle Constitution, le pouvoir va chercher à dorer la pilule. «Mais nous n'accepterons pas la vente concomitante. Nous disons oui à la constitutionnalisation de tamazight, mais nous continuons à exiger l'élection d'une constituante.» Sur toutes les autres questions, autonomie, régionalisation, décentralisation, statut de la gendarmerie, M.Djeddaï a rappelé la position traditionnelle de son parti. Nous reviendrons sur toutes ces question dans nos prochaines éditions.