Le temps a repris son cours après que le sang eut cessé de couler, après dix années d'arrêt, dix années de massacres et de guerre silencieuse. Hammad de la daïra de Rechaïguia, Ain Kosni de Nadhora, Tekat, Begaïria, de Djillali Ben Ammar, Beni Soltane de Medroussa et Khellafa de Frenda, ne sont pas des compagnons de Abderrahmane Ibn Rostom, d'Ibn Khaldoun, de Saâd Dahleb, de Ahmed Kaïd, de Jacques Berque ou de Idir Aït Amrane ou Larbi Belkheir et les autres... Ce sont tous des lieux dits aux confins du Tell et des Hauts-Plateaux, dans la wilaya de Tiaret. Perchés à 1 083 mètres d'altitude, ils trônent sur le balcon du Sud. Ils se situent en moyenne entre zéro et deux barres dans le réseau mobile sur un vieux Nokia 3210. C'est le monde rural, appelé communément «l'Algérie profonde» où l'agriculture et l'élevage constituent la composante principale de leur vie. Des populations qui commencent à conjuguer «el irhab» (le terrorisme) au passé s'obstinent à vivre avec comme seul viatique des fantasmes: une route goudronnée, une école, un centre de soins. L'électricité n'est pas une urgence, elle est une revendication du second degré. Pas une tache d'ombre à se partager sur ces étendues de terres en jachère. Mais depuis deux années, le temps a repris son cours après que le sang eut cessé de couler, après dix années d'arrêt, dix années de massacres et de guerre silencieuse contre les fous de Dieu. Pour la première fois depuis l'indépendance, ces populations reçoivent un haut responsable de la République. Le Dr Benaïssa, ministre délégué chargé du Développement rural, s'est rendu au niveau de ces localités, dimanche dernier, porteur d'une lettre intitulée: Ppdr (Plan pour le développement rural) destiné aux contrées les plus reculées du pays et qu'il diffuse - en mains propres - depuis l'année 2002. Hogra et isolement «Garbou» (Approchez), s'adresse-t-il a des citoyens mécontents de la situation qu'ils endurent au niveau de la localité de Hammad, située à 35 km du chef-lieu de la wilaya de Tiaret. Réticents dans un premier temps, puis, reviennent de leur ébahissement. Ils réalisent qu'ils s'adressent directement à un haut représentant de l'Etat. Et les langues se délient pour énoncer le leitmotiv Nmse «natloubou minkoum sayidi El Ouazir...» (nous vous demandons Monsieur le ministre... ). «90% de nos jeunes n'ont pas d'occupation du fait qu'ils n'ont reçu aucune aide des autorités pour travailler la terre», se désole un vieux. «Nous sommes prêts à travailler s'ils nous donnent des moyens», ajoute un autre et la discussion s'emballe. L'arrivée du ministre et des autres responsables locaux se transforme alors en tribune d'expression. «Nous subissons la hogra, l'isolement de la part des élus locaux, les logements sont distribués par affinités...» s'indigne un jeune, mais un membre de l'APC réplique: «C'est faux, nous sommes toujours à votre écoute et les logements dont vous parlez ont été distribués en 2002, avant que nous soyons ici», se défend-t-il. «Ils veulent nous faire quitter nos terres pour qu'ils s'en emparent.» Eux? Qui sont-ils? Silence! Les citoyens trouvent en cette visite une occasion de s'exprimer. Ils s'agglutinent autour des responsables, ils dénoncent la hogra, contestent le mode de distribution des logements, le chômage, et revendiquent l'électrification de leur localité. «On s'adresse directement à vous, Monsieur le ministre, c'est une Amana, si vous êtes en mesure de faire quelque chose, faites-le.» Le ministre réitère sa demande «Garbou», écoute les doléances et développe sa lettre. «Une approche de proximité qui s'accompagne d'une démarche participative et ascendante qui donne un contenu plus concret à la déconcentration de l'action de l'administration qui renforce le processus de décentralisation». Il s'agit d'écouter les citoyens, de cerner leurs besoins pour ensuite les accompagner dans leurs projets de développement. La jumenterie de Tiaret qui s'apprête à organiser, le 22 juin, comme chaque année, le Salon national du cheval, se distingue de plus en plus par ses réalisations en dépit «des moyens dérisoires» dont elle dispose. Ayant subi les affres du terrorisme, elle se relève et se lance au galop. Après la France, elle vient de conclure, il y a deux semaines, un autre contrat avec le Brésil pour l'exportation d'une quinzaine de chevaux au Brésil. Construit à la fin des années 1800, ce joyau culturel a été classé patrimoine national en 1995. «Cette jumenterie possède à son actif l'un des taux de fertilité les plus élevés au monde», affirme M.Saïd Ben Abdelmoumène, responsable de cette jumenterie. Ce n'est pas tout: «Elle sauvegarde encore des espèces de chevaux qui n'existent nulle part au monde, comme le pur-sang arabe et le barbe», ajoute ce responsable jaloux de veiller avec les 80 autres travailleurs sur cet héritage ancestral. Réputé mondialement, le haras de Tiaret est un joyau national. Trois chevaux algériens issus de la poulinière de Tiaret, Cherifa, Wadha et Nimrin, ont été à l'origine de trois lignées de race en Pologne, en Russie et en France. Il faut signaler par ailleurs, que la jumenterie n'échappe pas à certaines velléités particulièrement liées au foncier...